Moutons, Brebis et leur intelligence...
Manech tête rousse
Le mouton est souvent considéré comme peu intelligent. Les expressions qui l’évoquent sont rarement flatteuses : "se comporter comme un mouton" pour celui qui suit le troupeau, les comportements des autres, qui n’a pas de personnalité propre et d'opinions propres. Paradoxe avec "le mouton noir", métaphore qui n'est pas particulièrement gratifiante désignant une personne considérée comme marginale, jugée indésirable, néfaste dans un groupe et que l'on tient à l'écart précisément pour cette raison. Sans parler de la "brebis galeuse", celle qui contamine ses voisins...
Le caractère placide du mouton est même connoté péjorativement au travers de l’expression "Doux comme un agneau", sous-entendu : il se laisse tondre !
Même la littérature s'en est mêlée ! Avec l’image des "moutons de Panurge", François Rabelais dans son ouvrage le "Quart Livre", décrivant la sottise du troupeau suivant aveuglément le meneur.
Pourtant, au-delà de ces expressions, l’étude des moutons dévoile des comportements variés, adaptés à leur survie et finalement avec une intelligence qui n’a rien à envier à d’autres mammifères !
En tant qu’animaux de proie, les moutons ont des sens très développés et performants qui, dans la nature, leur permettent de maximiser leurs chances de survie.
Les moutons ont une très bonne vue périphérique qui leur permet de voir derrière eux sans même tourner la tête ! En revanche, ils perçoivent assez mal la profondeur de champ et voient moins bien ce qui se trouve près de leurs yeux. Ils perçoivent également les couleurs, mais cette capacité est toutefois moins développée que chez les humains.
Ils ont une excellente ouïe et peuvent orienter leurs oreilles en direction des sons qu’ils entendent. Les bruits aigus et forts ont tendance à leur faire peur.
L’odorat des moutons est également très développé. Ils sont notamment très sensibles aux différences d’odeur entre prédateurs. Les béliers utilisent leur odorat en période de reproduction, et les brebis l’utilisent pour localiser leurs petits.
Le goût semble moins développé que les autres sens chez les moutons. Ceux-ci sont néanmoins capables de différencier divers aliments et ont certaines préférences en termes de nourriture. Les moutons seraient même capables de distinguer différentes familles de plantes, de les classer et de les utiliser à des fins thérapeutiques !
Le corps des moutons étant largement couvert d’une épaisse toison, seuls le nez, le museau et probablement les oreilles se prêtent à des comportements impliquant le sens du toucher. Ce dernier est important pour les interactions entre les individus : les agneaux recherchent par exemple le contact avec leur mère.
Le mouton ne vit pas forcément en troupeau et ces photos le montrent bien. Dans des zones sans prédateur, il évoluera de manière solitaire ou en petits groupes. Lorsqu’ils s’organisent en troupeau, les moutons ne suivent pas le premier venu, contrairement à l’expression "suivre le troupeau".
Généralement, l’animal dominant est une brebis, et non un bélier. La plupart du temps, c'est la brebis la plus âgée et celle qui a la plus grande descendance qui joue ce rôle. De même, le conducteur du troupeau n’est pas nécessairement le chef. Dans les grands troupeaux, des vigiles se placent en bordure du groupe et alertent en cas de danger. Le comportement grégaire des ovins explique qu’il fut un des premiers animaux à être domestiqué car ils se regroupent naturellement, ce qui facilite leur déplacement.
Les moutons sont très intelligents. Bien plus intelligents que ce qu’on a pu penser. Sur des tâches comparables, leurs performances sont équivalentes à celles d’un singe.
Des études scientifiques montrent que le mouton fait partie des animaux ayant le plus de mémoire, voire étant celui qui en posséderait le plus ! Dans certaines situations, il serait capable de mieux mémoriser que les être humains ! Les ovins sont ainsi capables d’analyser la disparition d’un des leurs dans un troupeau, même composé de très nombreux individus. Ils possèdent également la faculté de mémoriser l’identité d’une cinquantaine de leurs congénères à leur visage pendant deux ans.
Ils savent aussi reconnaître les visages humains (même tourné de trois quart) et utilisent le même système cérébral que nous, humains, utilisons lorsque nous faisons un exercice mental similaire. Cette capacité à reconnaître des visages est évidemment importante pour leur vie sociale, et, à l'instar des humains, on observe que lorsqu’un mouton est placé dans un environnement stressant (par exemple s’il se retrouve dans un groupe de moutons qu’il ne connaît pas), un moyen de l’apaiser est de lui montrer les visages de moutons qu’il connaît !
Plus surprenant encore, ils savent identifier les émotions sur un visage humain ! Ils connaissent et reconnaissent un grand nombre d’émotions, ce qui est également signe d’intelligence.
Mais les capacités cognitives des moutons ne s’arrêtent pas à la reconnaissance faciale. S’ils sont capables d’apprentissage et ont une bonne mémoire, notamment spatiale, ils savent également reconnaître des humains à partir d’autres indices tels que leurs vêtements ou leurs cheveux. Il est également très probable que les moutons puissent penser aux absents.
Chez les mâles comme chez les femelles, on observe des relations amicales fortes, bien que leurs manifestations soient souvent discrètes. Deux moutons amis restent souvent proches l’un de l’autre pendant leurs activités, telles que le pâturage, le repos ou encore les déplacements. On peut également les voir se donner de petits coups, se frotter, se renifler ou se lécher.
Les préjugés concernant les moutons trouvent leur origine dans leur fuite devant un prédateur et dans leur propension à paniquer lorsqu’ils se trouvent isolés et à réagir potentiellement de manière incongrue. Mal armé face au danger, notre herbivore n’a que la fuite comme recours, ce qui, pour nous humains, semblerait être un signe d’absence d’intelligence. L’humanité se serait pourtant sans doute éteinte si nos lointains ancêtres n’avaient pas eux-mêmes usé de cette stratégie pour survivre !
Voyons-nous le Mouton comme stupide simplement parce que nous ne le comprenons pas ?
Pourtant, comme nous le faisons, ils aspirent à une vie tranquille dans leur fonctionnement social.