L'arbre à pain des Cévennes.
Certes, nous ne sommes pas à la saison des Châtaignes, mais ici, en Cévennes, le Châtaignier est très présent et ses fruits le sont également sous différentes formes tout au long de l'année.
Le Châtaignier (Castanea sativa) est un arbre majestueux. Élancé et de grande taille, il peut atteindre 40 mètres de hauteur, et son tronc, à l’écorce fissurée, peut mesurer jusqu’à 3 mètres de diamètre à la base chez les sujets âgés. Pour ce qui est de son bois, en raison de la forte présence de tanins (7 à 10 % de la matière sèche (pour l'essentiel des tanins ellagiques tels que castalagine et vescalagine), c'est un bois imputrescible résistant à la pourriture et aux parasites, comparable à certains bois exotiques. J'ai d'ailleurs une vieille échelle en bois de Châtaignier (elle a environ 150 ans) de 3 mètres de haut, qui passe sa vie en extérieur et est en excellent état.
Présent sur notre territoire depuis l'ère tertiaire (des pollens de Châtaignier ont en effet été trouvés en grande concentration dans les marnes tertiaires de Celleneuve, près de Montpellier), le Châtaignier est décrit pour la première fois, au IVème siècle avant J.C. par Théophraste (philosophe de la Grèce antique né vers 372 av. J.-C. à Eresós et mort vers 288 av. J.-C. à Athènes) dans son "Histoire des plantes" : la châtaigne est dite alors "noix castanéique".
Un même arbre développe des fleurs mâles et femelles, disposées le long de chatons allongés. Après pollinisation, les fleurs femelles évolueront en bogues (appelées "pélous" dans les Cévennes) englobant 2 ou 3 châtaignes.
Le Châtaignier produit des fleurs d’un jaune pâle, qui s’épanouissent tels des feux d’artifice à la fin du mois de juin. Son abondante floraison fait le régal des abeilles. Celles-ci récoltent le nectar très sucré des fleurs mâles, qui aboutiront à la production vers mi-juillet d’un miel monofloral de Châtaignier, d’un brun sombre à la saveur corsée et incomparable à tout autre miel.
Se développant sur les sols schisteux ou granitiques, le Châtaignier, très abondant dans les Cévennes, en est l’arbre emblématique. Il y est présent depuis le Moyen Âge, où sa culture s’est développée notamment grâce à l’impulsion des prieurés bénédictins.
Au XVIe siècle, le Châtaignier est devenu la culture principale des vallées Cévenoles.
Il est roi en Cévennes. On consommait donc déjà la châtaigne au Moyen-Âge dans les vallées Gardoises et lozériennes. Ses fruits ont pendant longtemps constitué la base de l’alimentation des habitants de la région. Riche en vitamines, minéraux et surtout glucides, ce fruit a permis aux Cévenols d'éviter de nombreuses périodes de disette qui en revanche ont touchées les régions limitrophes. D'où son surnom, "l'arbre à pain" !
Les Châtaignes, particulièrement nutritives en raison de leur grande richesse en amidon, peuvent être mangées fraîches, ou conservées toute l’année après avoir été séchées au feu de bois pendant plusieurs jours dans une "clède".
Les Châtaignes séchées, appelées "blanchettes" ou "châtaignons", n’ont alors plus qu’à être réhydratées pour être consommées.
Cuites à l'eau, elles peuvent être facilement mises en bocaux et conservées.
Le "badjanat", soupe de Châtaignes sèches cuites à l’eau, est un plat traditionnel des Cévennes.
Les Châtaignes sèches peuvent également être moulues en farine.
Il existe de nombreuses variétés cultivées de Châtaigniers, sélectionnés pour la qualité de leurs fruits. Il est à noter que le maintien de variétés sauvages est une nécessité pour la pollinisation. En effet, les variétés cultivées ne sont jamais autofécondes, et présentent souvent une régression des étamines et du pollen.
Les Châtaignes accompagnent la vie des Cévenols en plat, en dessert, en confiture, qu'elles soient grillées, bouillies, sucrées, salées...
Tout sur la Châtaigne ICI
Depuis la fin du Moyen Âge, les vieux troncs creux de châtaignier, d’un bois imputrescible, ont été utilisés dans les Cévennes pour fabriquer des ruches, appelées "bruscs", que l’on recouvrait d’une lauze de schiste en guise de toit. Ces "ruches-troncs" se sont développées et maintenues jusqu’à la première moitié du XXe siècle. Le passage de la ruche-tronc à la ruche à cadres moderne s’est réalisé progressivement au cours du siècle dernier. Cependant, quelques apiculteurs Cévenols perpétuent encore la tradition des "ruchers-troncs".
Sur les photos Ci-dessous, je vous présente trois Châtaigniers remarquables toujours debout depuis le moyen âge.
Notre ami Platon Claude, qui nous a fait découvrir ces arbres et dont la maison se trouve non loin de ce lieu, s'est installé devant l'un d'entre eux pour vous donner une idée de leur taille et de leur circonférence.
Voici deux autres de ces châtaigniers remarquables se trouvant non loin du premier.
Ces trois arbres vivent leur longue vie dans la terre du Hameau "Le Castanet".
"Castanet" vient du latin "castanea" qui signifie "Châtaigne".
On appelle communément "Marrons" les fruits des Châtaigniers quand ils sont de gros calibre.
Ce terme désigne également les Châtaignes qui ont subi une transformation comme pour la crème de Marrons ou pour les Marrons glacés.
La cuisson du Marron comestible (Châtaigne) est évidemment nécessaire car même s'il est comestible cru, il est cependant bien moins digeste.
Il ne faut pas faire de confusion entre les Châtaignes (même quand elles sont qualifiées de Marrons), cultivées ou sauvages et qui sont comestibles, et les Marrons d'Inde qui eux sont toxiques. Leur ingestion peut entraîner des troubles digestifs tels que des douleurs abdominales, des nausées, des vomissements, ou des irritations de la gorge…
Et pour finir... un texte poignant avec lequel je suis en phase vu l'actualité de notre pays.
Que va devenir notre belle France, patrie des droits de l'Homme ?