L'incroyable intelligence des oiseaux...

par Pascale MD  -  26 Novembre 2022, 12:22

Ils nous séduisent par leur vol majestueux, leur chant, leur plumage... mais ils disposent d’un autre atout exceptionnel : leur cerveau. Les biologistes pensaient il y a encore un siècle que le cerveau des oiseaux ne pouvait commander que des réactions instinctives. Mais depuis deux décennies, les découvertes en neurosciences et en éthologie ont balayé ces préjugés. On sait désormais que certains volatiles peuvent fabriquer des outils, catégoriser des objets…

Les noms des oiseaux en photos apparaissent au passage de la souris.

Grand Corbeau


Ainsi, pour certaines tâches, le corbeau (et son cerveau de 10 à 20 grammes) rivalise avec des primates dotés de 500 grammes d’encéphale. Une équipe internationale a même découvert il y a quatre ans qu’à masse cérébrale égale certains oiseaux ont davantage de neurones que les mammifères.

Ara bleu et Ara militaire


Ainsi le cerveau du perroquet, de la taille d’une noix, en contient autant que celui d’un macaque, gros comme un citron.

Roitelet huppé


Quant à celui du roitelet, l’un des plus petits passereaux d’Europe, il en recèle 2,3 fois plus qu’une souris pourtant neuf fois plus lourde. Pour expliquer cette singularité, les chercheurs avancent deux hypothèses. La première est d’ordre technique : cette adaptation permet de limiter leurs poids , ce qui est un atout pour voler, la seconde a trait à l’évolution. Les dinosaures, ancêtres des oiseaux, auraient ainsi développé un câblage des neurones plus efficace que celui des mammifères afin de compenser un volume crânien moindre.

 

Ils savent trier et compter

Gris du Gabon

Les Perroquets gris su Gabon savent reconnaître les formes des objets. Ils sont ainsi capables de les placer dans une boîte à formes, comme les enfants.
Alex, un Perroquet gris du Gabon élevé aux États-Unis, avait réussi à apprendre plusieurs centaines de mots anglais désignant des objets, des couleurs et des formes. Mieux, "en examinant un ensemble d’objets de diverses couleurs et de matériaux variés, il pouvait quantifier ceux d’un type donné", rapporte Jennifer Ackerman dans son livre Le Génie des oiseaux (éd. Marabout, 2017). Selon Irene Pepperberg, chercheuse à l’université Harvard (Massachusetts) qui a enseigné au perroquet tout ce qu’il avait assimilé, Alex était capable de dénombrer jusqu’à huit objets et savait les catégoriser.

 

Ils vivent en société complexe

On pensait jusqu’ici que seuls les animaux dotés d’un gros cerveau (humains, primates, éléphants, girafes) pouvaient former des sociétés complexes à plusieurs niveaux – à l’instar des groupes familiaux, religieux ou politiques chez l’homme.

Pintade vulturine


Mais une étude publiée en 2019 dans Current Biology révèle que les pintades vulturines, des oiseaux au cerveau de petite taille, peuvent composer des unités sociales dont les membres sont stables. En surveillant par GPS, pendant plusieurs saisons, plus de 400 spécimens sur un site kényan, les scientifiques de l’Institut Max Planck ont en effet identifié 18 groupes sociaux distincts, de 13 à 65 individus chacun. Non seulement ces groupes sont demeurés stables tout au long de l’année d’étude, mais ils pouvaient s’associer momentanément et interagir les uns avec les autres en fonction de leurs préférences. Ce que ne font pas les nombreuses espèces d’oiseaux qui vivent en colonies ouvertes et ne s’associent pas par groupes.

 

Ils sont persévérants

Mésange Charbonnière et Mésange bleue


En Angleterre au début du XXe siècle, les bouteilles de lait étaient livrées chaque matin sans couvercle. Des mésanges en profitaient pour picorer la riche crème de lait formée à la surface. Dans les années 1920, les laiteries ont commencé à couvrir les bouteilles avec des capsules d’aluminium. Certaines mésanges apprirent alors à percer à coups de bec cet opercule pour continuer à profiter de ce petit déjeuner. Ce curieux comportement, observé simultanément en différents lieux éloignés, s’est répandu dans toute l’Angleterre en une douzaine d’années seulement. Si bien que, dans les années 1950, toutes les bouteilles de lait du pays étaient prises d’assaut. La rapidité de cette propagation, trop importante pour être expliquée par une sélection naturelle, pourrait être liée à un phénomène d’imitation.

 

Ils imaginent ce que pensent les autres

Geai des Chênes


Plusieurs espèces, comme le geai, la pie ou le corbeau, pillent les réserves alimentaires d’autres oiseaux. Puis ils mettent en œuvre des stratégies pour dissimuler à leurs congénères le fruit de leur larcin et le lieu de la cachette. C’est ainsi qu’ils peuvent faire semblant de les enfouir à un endroit avant d’aller les enterrer ailleurs, quand ils sont certains qu’on ne les regarde pas. Ce comportement particulier montre qu’ils ont la capacité d’imaginer ce que pensent les autres oiseaux. Autre faculté, ils consomment les provisions qu’ils ont cachées en tenant compte de leur durée de conservation. Ils mangeront ainsi en priorité les insectes ou les larves dissimulées dans la cavité d’un tronc d’arbre plutôt que des graines beaucoup plus résistantes enterrées plus tôt dans le sol. Ces oiseaux récupéreront en outre les aliments dans un ordre totalement indépendant de celui dans lequel ils ont été enfouis.

 

Ils ont parfois conscience d’eux-même

Pie bavarde

Dans le cadre d’une étude, des chercheurs ont collé un Post-it jaune sur la gorge noire d’une pie européenne, de telle sorte que celle-ci ne puisse voir le carré de papier jaune que dans un miroir placé devant elle. Face à son reflet, la pie s’est immédiatement gratté la gorge pour se débarrasser du Post-it. Cette reconnaissance personnelle atteste d’une conscience de soi (l’individu comprend que son reflet ne représente pas un autre individu, mais lui-même), que l’on pensait limitée aux humains de plus de 18 mois, aux grands singes, aux dauphins et aux éléphants indiens !


Et... NON, LA PIE N'EST PAS VOLEUSE :
 Cet oiseau souffrait et souffre encore d'une mauvaise réputation, comme beaucoup d'autres animaux d'ailleurs. Des légendes rurales l'accusaient de voler des clés, des bijoux, ou des bibelots dorés... Voici enfin son honneur réhabilité sur ce point. Contrairement à ce qu'assurent l'opinion populaire, un opéra de Rossini et un fameux album de Tintin, la pie n'est pas voleuse ! Elle ferait même preuve d'une méfiance instinctive vis-à-vis des objets qui lui paraissent insolites. Cette mauvaise réputation est donc totalement injustifiée, même s'il arrive bien à la Pie de subtiliser des proies à d'autres oiseaux plus petits qu'elle (un comportement largement répandu chez de nombreuses espèces). Des scientifiques ont mené une série d'expériences avec des pies provenant d'un refuge et avec des pies sauvages. Les oiseaux ont été mis en présence d'objets brillants et mats, et leurs réactions enregistrées et analysées. "Nous n'avons trouvé aucune preuve montrant que les objets brillants attirent irrésistiblement les pies. Au contraire, tous ces objets ont suscité une réaction de néophobie (la peur des objets nouveaux) chez les oiseaux". En revanche, on ne peut nier que les Pies comme tous les oiseaux de la famille des Coracidés, sont des oiseaux prédateurs, agressifs, territoriaux.

 

Ils ont l’esprit pratique


Corbeau freux


Au Japon et en Nouvelle Zélande, les corbeaux utilisent les roues des voitures pour briser les noix qu’ils ne parviennent pas à casser, en les laissant simplement tomber sur le trottoir. Ils posent les fruits à coque sur un passage pour piétons, puis, postés sur le feu de signalisation, attendent tranquillement que celui-ci passe au vert. Une fois les coquilles écrasées par les voitures, les corbeaux n’ont plus qu’à récupérer les noix !

 

Ils appâtent les poissons


Héron cendré   Mouette rieuse

On peut l’observer sur le littoral français : hérons, mouettes ou goélands ont la capacité d’utiliser des appâts (morceaux de pain ou autres aliments) pour attraper des poissons. Véritables pêcheurs professionnels, ils jettent leur piège à la surface de l’eau et restent à proximité en attendant que «ça morde»! Ils piquent alors tout droit sur le poisson qui s’approche de l’appât. Une belle illustration de l’utilisation d’outil à distance par un oiseau !

 

Ils élaborent des stratagèmes

Corneille noire


Dans la fable "La Corneille et la Cruche", l’auteur grec Ésope met en scène une corneille assoiffée ayant trouvé une cruche contenant de l’eau. Mais le niveau en était si bas qu’elle ne pouvait l’atteindre de son bec. Elle ramassa alors des cailloux et les laissa tomber dans la cruche, jusqu’à ce que l’eau monte assez pour qu’elle puisse s’abreuver. Des scientifiques ont montré au cours d’une étude que des corbeaux calédoniens étaient capables d’une prouesse semblable : pour faire monter le niveau d’un tube rempli d’eau, ceux-ci lâchaient des pierres plutôt que du sable ; ils laissaient choir des objets susceptibles de couler et non de flotter. Mieux, ils choisissaient plutôt le tube ayant le niveau d’eau le plus élevé. Des aptitudes comparables à celles dont font preuve les jeunes enfants lorsqu’ils comprennent la relation de cause à effet.

 

Ils identifient les humains

En 2010, des scientifiques de l’université de Seattle (Washington) ont enfilé un masque en latex d’homme préhistorique pour capturer et baguer des corneilles avant de les relâcher. Ils ont ensuite sillonné le campus et les rues de la ville, d’abord affublés de ce masque – synonyme de danger – pour observer les réactions des corneilles, puis avec un faciès « neutre » pour comparer les différences de comportement des oiseaux. La simple vue du masque menaçant déclenchait les cris d’alarme des corneilles, ou bien les poussait à se regrouper. Le masque neutre, lui, ne suscitait aucune réaction notable. Durant près de trois ans après le début de l’expérience, la fréquence des comportements d’alerte n’a cessé d’augmenter, comme si les corneilles transmettaient à leurs pairs et à leurs jeunes des informations sur les êtres jugés dangereux.

 

Ils reconnaissent les mots

Pigeon ramier


Les oiseaux ignorent que les lettres ont une transcription sonore et que leurs combinaisons ont une signification. Mais ils sont capables d’identifier visuellement certaines séquences de lettres et de les mémoriser. C’est ainsi que des chercheurs ont entraîné des pigeons à reconnaître des mots constitués de quatre lettres mêlant consonnes et voyelles. Au terme d’un apprentissage de huit mois, les plus doués des volatiles avaient enregistré entre 26 et 58 mots chacun – des mots qu’ils étaient parfaitement capables d’identifier parmi d’autres, générés de façon aléatoire. Selon les auteurs de l’étude, les pigeons avaient retenu suffisamment de séries de lettres pour pouvoir distinguer les mots des « non-mots », la combinaison de quatre voyelles ou quatre consonnes étant, par exemple, interprétée comme un non-mot. Ils ont aussi utilisé ces acquis statistiques pour identifier des termes qu’ils n’avaient jamais vus auparavant. Ils ont en outre été capables de reconnaître les mots quand l’ordre des lettres était interverti. Les pigeons seraient-ils bons en orthographe ?

 

Ils font preuve d’ingéniosité

Choucas des tours


Alors que l’on croyait cette aptitude réservée au cerveau des primates, une expérience a montré que les corbeaux de Nouvelle-Calédonie sont capables de bricoler des outils élaborés. Ils peuvent même utiliser successivement trois instruments différents pour atteindre de la nourriture. Ils savent par exemple façonner des outils à crochet en coupant la base d’une petite branche fourchue juste avant qu’elle ne se divise, puis en sectionnant l’une des deux branches au-dessus de la fourche. Ils se servent aussi de brindilles, de bâtonnets et de bords de feuille pour extirper les larves et les in- sectes des tunnels où ceux-ci se cachent. Selon une étude publiée en 2005 dans The Royal Society, les corbeaux, – mais aussi les choucas des tours, les geais et les pies, tous de la famille des corvidés – sont, comme les perroquets, supérieurs aux autres oiseaux sur le plan cognitif. Et, dans de nombreux cas, aux grands singes.

Texte Par Sylvie Buy et Philippe Marchetti

L'incroyable intelligence des oiseaux...


Les poules sont très fortes au bonneteau, ce jeu qui pour elles consiste à retrouver la friandise cachée sous un gobelet.

Et l'intelligence des oiseaux ?


Selon certains ornithologues, les Sittelles torchepot font aussi partie des oiseaux qui utilisent des outils (petits morceaux de bois) afin de soulever les écorces des arbres pour attraper leurs proies.

Il y a encore beaucoup à découvrir sur l'intelligence de nos petits ailés, et certainement beaucoup de surprises...

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
R
Bonsoir Pascale,<br /> Que d'information passionnante dans ce billet, j'ai beaucoup appris ! Pour les pigeons, je suis époustouflée, j'ai toujours trouvé ces oiseaux énigmatiques dans leur comportement, insouciants et peu conscients des dangers, mais je ne soupçonnais pas qu'ils seraient capables d'apprendre à "lire". Ils cachent bien leur jeu ! Merci aussi pour les magnifiques photos qui illustrent si bien ton propos.<br /> Bises
Répondre
A
Je reviens en laissant ma sourie se balader car ce sujet me passionne. L'intelligence des animaux... Mais bien sûr! La Nature a tout prévu: La vie des animaux, des plantes, bref, tout ce qui vit et donc évolue, disparaît, se groupe, aime, se met en guerre, bref tout ce qui EXISTE... mais pour que ce soit possible il faut de l' INTELLIGENCE, comme il faut de l'air qu'on respire que la planète TERRE.  Ah, j'en aurais à dire! Merci de lire et de voir votre bel article, Gisèle
Répondre
G
Coucou Pascale,<br /> Si tu as réussi à déchiffrer le second rébus de Rotpier, tu auras compris mieux que quiconque la hantise des Bretons. <br /> Blague à part, merci pour "Que serait la vie sur terre sans les animaux ?" autant que pour ce super billet sur les oiseaux.<br /> Bonne soirée.
Répondre
D
Bonjour Pascale c'est merveilleux ton reportage avec toutes ces sublimes photos j'aime énormément ce très joli partage merci bon dimanche Claudine Daniel
Répondre
J
Non seulement les photos sont belles, en plus quant l'on passe chez toi on s'enrichi de connaissance, merci à toi. Amicalement.
Répondre
C
Je viens de lire attentivement cet article sur l'intelligence des oiseaux . D'autant plus passionnant que je suis toujours à les observer . J'ai sauvé il y a quelques années un corbeau pris dans un piège , il avait une griffe coupée .C'était pendant nos vacances en métropole . Quand nous sommes repartis là bas l'année d'après , et les années suivantes , il est venu sur notre fenêtre . On savait que c'était lui grâce à son doigt coupé ...et il se laissait caresser  !!  et j'ai beaucoup d'autres histoires comme celle là . <br /> OUI , protégeons et aimons les animaux . <br /> Merci Pascale ; bises de la Réunion
Répondre
T
Salut Pascale,<br /> Impressionnant billet, avec comme d'habitude de superbes clichés.<br /> Bon dimanche à toi.<br /> Bises.
Répondre
P
Bonjour PascaleUn article passionnant avec plein de jolies photos, que du bonheur ! Un jour j'ai été frappée par 2 pies sur le toit du garage en train de crier sur le chat, elles ont réussi ainsi à l'éloigner du nid où il voulait aller. Alors quand tu dis que certains oiseaux sont plus intelligents que certains mammifères, je suis bien d'accord ! ;)<br />  
Répondre
C
Je n'avais aucun doute sur l'intelligence des oiseaux, et des animaux en général, mais j'avoue que c'est impressionnant. Merci pour ce bel article accompagné, comme toujours, de magnifiques photos.Belle soirée, bisous.Cathy
Répondre
A
Je suis un peu perdue contrairement aux animaux dont tu vantes sans cesse les mérites et sur lesquels tu poses la question : t "que serait la vie sur terre sans les animaux?". Bonne question à laquelle tu donnes une réponse qui m'enchante. Et tu nous donnes des exemples intéressants, par exemple, le comportement des animaux avant le séisme à Liège en 1983. Aille! je t'avoue que je n'ai pas eu le courage de lire la copie de l'article et j'ai honte! Mais, vois-tu, la question que tu poses me rappellent la question que je posais à mes parents quand nous visitions le zoo du Jardin des Plantes: Devant chaque cage (oui, les animaux étaient dans des cages petites et sombres): Lion ou chamois: "C'est méchant?" demandais-je. J'étais moins intelligente que ma fille avec qui j'ai visité plus tard ce zoo et qui avait déjà sa petite idée sur les animaux; elle avait créé  dès l'âge de 7 ans et tenu jusqu'à 11 ans, un "Carnet de potions" dans lequel elle écrivait ce qu'elle savait sur les animaux (et les plantes). Elle aurait été heureuse de te connaître! Je vais encore balader ma sourie vers ton article sur lequel je n'ai pu répondre directement. Bonne soirée, Gisèle
Répondre