La mauvaise réputation...

par Pascale MD  -  25 Février 2023, 12:19

Vautours fauves (adultes)
Gyps fulvus - Griffon Vulture
(Hablizl, 1783)

 

Rapace charognard, le Vautour n'a, à tord, pas très bonne réputation. Cet oiseau est pourtant essentiel pour maintenir un écosystème sain. 

Vautour fauve - Gyps fulvus

Si certains animaux, comme le Dauphin, le Panda, le Koala... jouissent d'une grande cote de popularité, d'autres espèces sont au contraire mal-aimées.

C'est notamment le cas de la Hyène, du Requin, du Loup, du Vautour... alors que la réputation de chacun de ces animaux est totalement injustifiée.

Vautour fauve - Gyps fulvus


Qui est le vautour ?

Le terme "Vautour" est un nom vernaculaire qui désigne des rapaces carnivores.

On trouve deux familles de vautours parmi les Accipitriformes.
(Clic sur le nom pour accéder à leur fiche).

16 espèces appartiennent à la famille des Accipitridés : dans l'Ancien Monde (Afrique, Asie dont 4 vivant en Europe et tous les quatre sont présents en France *).

Vautour africainVautour charognardVautour chassefienteVautour chaugounVautour fauve * (sur ces photos)Vautour de l'HimalayaVautour indienVautour à long becVautour moine *, Vautour oricou ou Vautour nubienVautour royalVautour de Rüppell,  Vautour à tête blanche, Gypaète barbu *, Vautour percnoptère ou Percnoptère d'Égypte *, Vautour palmiste ou Palmiste africain.


7 espèces se trouvent dans le Nouveau Monde, c'est-à-dire en Amérique, et appartiennent à la famille des Cathartidés :

Urubu à tête rouge ou vautour auraGrand UrubuUrubu à tête jauneVautour pape ou Sarcoramphe roiUrubu noirCondor des AndesCondor de Californie.

Vautour fauve - Gyps fulvus

Si ces animaux présentent des différences, ils ont tous en commun certaines caractéristiques. Ainsi, les Vautours ne sont pas des prédateurs. Ils sont nécrophages, se nourrissant principalement de cadavres d'autres animaux.

Ils ont un champ de vision large, très pratique pour détecter les cadavres depuis le ciel. Un vautour planant à plus de 3 000 m d'altitude peut repérer un objet à terre mesurant 30 cm ! Associé à une excellente vision, ils possèdent également un très bon odorat pour repérer les carcasses des animaux morts à plusieurs kilomètres.

Ce sont d'excellents planeurs, et un certain nombre d'entre eux ont la tête et le cou dépourvus de plumes (ce n'est pas le cas des Vautours fauves même si ce n'est qu'une sorte de duvet).

Chacun à son rôle dans la nature :

- Les tireurs-fouilleurs arrivent en premier sur la carcasse (Vautour fauve et toutes les espèces du genre gyps). Ils explorent les orifices naturels pour consommer les tissus mous : muscles et viscères, le foie et les poumons ;
- Les déchireurs arrivent en second (Vautour moine) et affectionnent les parties plus coriaces telles que la peau, les tendons et les cartilages. Leur bec est plus puissant et tranchant ;
- Les picoreurs arrivent en troisème (Vautour percnoptère) glanant les menus morceaux de viande, de peaux et d’os ;
- Puis les casseurs d’os (Gypaète) qui brisent les os en les faisant tomber de haut puis les avalent.

Vautour fauve - Gyps fulvus

Ils ont de nos jours mauvaise réputation, pourtant, dans l'antiquité, le Vautour jouissait au contraire d'une très grande célébrité. Ainsi, dans la mythologie égyptienne, Nekhbet, la déesse-vautour, était la protectrice de la Haute-Egypte et du pharaon. On la voit ainsi dans les scènes rituelles avec ses ailes protectrices déployées au-dessus du souverain. Une autre déesse-vautour d'Egypte, Mout, symbolisait, elle, les valeurs maternelles.

Dans l'astrologie Aztèque, le Vautour est le 16e des 20 signes. Il est synonyme de bonne santé, de longévité, et de réussite dans les affaires.

Vautour fauve - Gyps fulvus

Mais de nos jours, le Vautour n'a plus très bonne presse. Il a longtemps été pris pour un prédateur, ce qui a entrainé un grand nombre d'empoisonnements. Certains agriculteurs continuent d'ailleurs d'accuser le rapace d'avoir tué du bétail. Or, d'après les expertises effectuées par des vétérinaires, les animaux étaient déjà morts dans 94% des cas, et dans 6% des cas, les attaques avaient eu lieu sur des animaux moribonds (et souvent ce sont les Corbeaux qui attaquent les premiers). De plus, le fait qu'il soit nécrophage, que son physique ne soit, pour certains, pas très engageant font qu'il est considéré comme un "oiseau de mauvais augure", associé à la mort.

En outre, contrairement aux autres rapaces, les Vautours n'ont pas de serres : leurs pattes et leurs griffes ne leur servent qu'à marcher, et non pas à attraper des proies et les tuer.

En Afrique, ils ont été volontairement empoisonnés par les braconniers. En effet, le survol des vautours au dessus des cadavres d'animaux massacrés indiquait aux rangers leur emplacement.

Vautour fauve - Gyps fulvus


Le vautour, un pilier de l'écosystème !

Empoisonnés volontairement ou non, électrocutés par des lignes électriques et tués par les pales des éoliennes, sacrifiés pour la médecine traditionnelle (L'utilisation des vautours en médecine traditionnelle, au niveau actuel, va probablement provoquer leur extinction dans 20 à 30 ans en Afrique)... les Vautours voient leur population diminuer dans le monde, et beaucoup d'espèces se retrouvent menacées.

Et pourtant, ces grands oiseaux sont essentiels pour maintenir un écosystème sain. En mangeant rapidement les cadavres d'animaux, ils permettent de limiter la propagation des maladies, d'autant plus que leur système digestif détruit les germes pathogènes.

Dans les régions où l'on trouve les Vautours, les éleveurs ont pris conscience de l'aide qu'ils leur apportent. Ainsi, ils participent de plus en plus au don de leurs animaux morts en les déposant sur des placettes de nourrissages faites à cet effet, les Vautours effectuant un équarrissage naturel.
L'équarrissage est l'abattage et le dépeçage d'animaux impropres à la consommation alimentaire, une pratique coûteuse pour les éleveurs lorsqu'elle se fait de façon industrielle en abattoir.

Vautour fauve - Gyps fulvus

Alors, à l'instar des Mouches, regardons aussi les Vautours avec un regard bienveillant :-)
 

 

Au Tibet, des oiseaux sacrés pour des funérailles célestes : Les Vautours !

 

Le Potala, Lhassa, Tibet. 
Photo numérisée de ma Maman qui a fait ce voyage en 2011 à l'âge de 78 ans.
Source : Une des photos de ma Maman qui a fait ce voyage en 2011 à l'âge de 78 ans.


Au Tibet cohabitent diverses pratiques funéraires : inhumation, immersion, manducation par les Vautours et crémation. Certaines sont plus pratiquées que d’autres et avec des disparités régionales. Il y a là une forme de "complétude", chacun des rites renvoyant à l’un des quatre éléments constitutifs de l’univers : terre, eau, air (par l’intermédiaire des oiseaux) et feu. Le choix du rite dépend du défunt : ainsi l’immersion sera souvent pratiquée pour un jeune enfant, la crémation plutôt réservée aux religieux.

Le rite le plus pratiqué est celui des funérailles célestes : Il est vrai que dans de nombreuses régions du Tibet, en raison du gel qui s’oppose autant à l’inhumation qu’à l’immersion, et du peu de bois disponible pour la crémation , le rite "aérien" paraît le plus adapté.

À la mort d’une personne, pour les bouddhistes, l’âme continue d’exister, au contraire du corps, qui devient une sorte d’enveloppe vide qui doit retourner à la nature.

Un moine vient faire la P'owa (pour l'âme) : pratique du bouddhisme Vajrayana permettant de transférer la conscience, au moment de la mort, dans un "champ pur". Quitter ce monde n'est plus dès lors perçu comme un sujet d'angoisse, mais comme une occasion, selon notre karma, de se libérer du cycle des existences.

Pendant les trois jours qui suivent le décès, on ne doit d’abord pas toucher à la dépouille du défunt. Puis, au troisième ou quatrième jour, le corps est dénudé puis il est enveloppé dans un tissu de laine blanche dans la position du Bouddha couché (sur le côté droit avec la main droite sous la joue et la main gauche sur la cuisse gauche).

Un membre de la communauté vient chercher la dépouille et la conduit sur une "aire de découpage" du corps. Là, sur un autel, un moine chante autour du corps, brûle de l’encens pour attirer les oiseaux sacrés que sont les Vautours (Gypaète barbu, Vautour percnoptère, Vautour de l'Himalaya, Vautour fauve, Vautour moine). Les oiseaux ne s’y trompent pas, ils volent en cercle autour de la pierre de découpage.

 

Source : https://peuplesautochtones.com/bouddhistes-tibetains/
Source photo : https://peuplesautochtones.com/bouddhistes-tibetains/


 Une fois les pratiques achevées, le corps est découpé. Mélangés à de la farine d’orge, du thé et du lait de Dri (femelle du Yack) puis les morceaux sont offerts aux vautours. Chaque espèce de Vautour joue son rôle de nettoyeur à tour de rôle, de la chair aux os.

Si tout disparaît, cela signifie que la nouvelle incarnation se fera sous de bons auspices (si le karma n'a pas permis la fin du cycle des existences). 

Pendant 49 jours après le décès, les bouddhistes effectuent des rituels à travers des prières et des offrandes. C'est le temps nécessaire selon la tradition bouddhiste pour que l'âme du défunt se réincarne sous une nouvelle forme (toujours selon son karma). Certains bouddhistes font le voeux de se réincarner tant qu'il y aura de la souffrance en ce monde.


Source : https://kinokak.ru/fr/luna/v-kakoi-strane-pticy-edyat-mertvyh-lyudei-nebesnye-pohorony-v-tibete.html
Source photo : https://kinokak.ru/fr/luna/v-kakoi-strane-pticy-edyat-mertvyh-lyudei-nebesnye-pohorony-v-tibete.html


Cette pratique peut paraître extrême et peut choquer les Occidentaux, mais elle prend tout son sens dans une perspective bouddhiste. Aujourd’hui, selon l’Institut de recherches sur les nationalités, rattaché à l’Académie des Sciences sociales de la région autonome du Tibet, 80 % des Tibétains choisissent encore ces funérailles célestes. En tant qu'Occidentale, je ne suis pas du tout choquée par cette pratique et c'est ce que je demanderais si c'était permis dans notre pays (pas de consommation de ressources (bois pour le cercueil), pas de consommation d'énergies, pas d'effet de serre produit, pas de tombe abandonnée au fil des générations, et ainsi la nature retourne à la nature.

 PS : Ces funérailles célestes sont pratiquées au Tibet (intégré de force à la Chine depuis 1951), mais aussi au Bhoutan ; Dans les régions du Qinghai, Mongolie-Intérieure, Sichuan de la chine ; En Mongolie ; Au Népal et dans certaines régions de l'Inde.

 

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P
J'ai pris trop de retard pour tout commenter, mais je m'arrête sur cette série car je trouve tes photos fantastiques, et l'article sur les pratiques funéraires très intéressant. Je commence la journée en apprenant plein de choses, merci ! <br /> PS : Je vais essayer de me créer un compte, car les captchas me rendent dingue, et pas que chez toi... (8 images différentes à valider pour mon dernier commentaire)<br />  <br />  
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A
Bonjour Pascale, <br /> Je me régale à voir tes photos de cet oiseau aux mœurs souvent méconnues. Toute ta documentation et tes explications devraient permettre à beaucoup de rectifier un jugement erroné.<br /> Bises.<br />  
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J
Pascale MD par quoi commencé ? .. si vous saviez comme il est réjouissant de pouvoir de temps en temps lire quelque chose d'intelligent, je ne vous connais pas, je n'ai pas à vous cirer les pompes, ce n'est pas la première fois que je viens avec plaisir sur votre cite pour admirer vos photos, vos explications (que quelquefois je parcours plus rapidement), là je viens de me régaler non seulement par ce que vous êtes très claires dans vos explications qui sont des faits réels mais également par ce que vous y mettez du sérieux et une observation très détaillée c'est un bonheur, en plus (je ne prend pas toujours la peine de le faire) j'ai lu vos commentaires et ceux de nos amis blogueurs qui sont eux aussi très intéressants. <br /> mes commentaires à moi :<br /> Les oiseaux : qu'ils soient rapaces ou pas je les aime, je trouve que ce sont des sportifs hors paire en particulier ceux qui font des kilomètres, ce sont des êtres doués pour beaucoup de choses bâtisseurs, observateurs, souvent fidèles, intelligents..<br /> Je trouve justement très belle la photo de l'homme "coupeur" qui termine la tâche qui lui est impartie et les oiseaux groupés autour qui attendent que leur soit délivré l'offrande de l'humain afin qu'ils pérennisent la libération du corps avec l'âme, je ne suis pas bouddhiste ou autre d'ailleurs, mais je trouve que la nature là fait  corps avec tout ce qui la constitue, effectivement on a tendance à se posé la question ne serait-ce pas mieux de finir comme ça?..<br /> Je savais que chez certains peuples les corps étaient exposés,  dans un rite spirituel, en offrande aux oiseaux, mais je n'en connaissait pas le cérémonial.<br /> J'ai lu certains livres relatant l'invasion chinoise au Tibet pas joli, joli malheureusement l'histoire du pouvoir de l'homme sur son semblable est loin d'être terminée.<br /> Tout ça Pascale MD pour vous remercier et encore une fois vous féliciter pour les photos et les explications;<br /> Juste un mot sur le merle en ce moment je les entends, ils sont heureux, ils fondent leur famille, ils me font une musique d'ambiance le matin que j'apprécie pleinement.<br /> Amicalement.<br />  
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T
Salut Pascale<br /> Tous les portraits sont extras. Un grand bravo !
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F
Bonjour Pascale. Je le trouve très beau cet oiseau. Il y a quelques années alors que nous étions allés passer quelques jours à Mende chez une amie, elle nous avait emmenés voir un lieu près de chez elle, je crois qu'il s'agissait de la "Maison des vautours", un espace immense avec un observatoire d'où l'on pouvait voir voler les vautours dans le ciel, avec plein d'explications, notamment sur ce que tu dis, les vautours ne se nourrissent que de carcasses, et n'est pas un animal nuisible. C'était très intéressant. J'avais fait des photos, il faudra que je les recherche, et j'en ferai peut-être un billet.Bonne journée à toi, et merci pour ton blog de qualité et très intéressant. Bises. 
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B
Coucou Pascale non pas de PB on est en balades alors je publie moins gros bisous de nous deux a+ merci
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S
kikou du dimanche... pour la lilas c est un endroit très spéciale du village en bas de ma rue... tout y est plus précoce... il y a déjà des coquelicots pour te dire... gros bisous
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D
Bonjour Pascale mais que des photos grandioses et magnifiques portraits merci de nous offrir toutes ces très belles photos en partage bon dimanche Claudine Daniel
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S
J'ai toujours été fasciné par les vautours. Je ne comprends donc pas la mauvaise image qu'ils donnent. Mais je pense que les choses changent par la vulgarisation de l'information. Je pense que cette mauvaise réputation vient du fait de leur mode alimentaire charognard. Donc en fait, il faut leur en être reconnaissant de ce travail de nettoyage et d'épuration sanitaire en évitant que des bactéries ou maladies se propagent dans l'environnement. Intéressant ton éclairage sur les pratiques funéraires tibétaines où l'on voit bien que la mauvaise réputation des vautours est dûe à notre relation occidentale à la mort. Alors qu'au Tibet le corps n'est qu'une enveloppe charnelle qui doit libérer l'âme pour qu'elle entame une nouvelle réincarnation. L'homme comme le vautour ainsi que toutes les formes de vie font donc partie du cycle naturel. J'ai vu également à  il s'agit de tours (inhumations célestes)  sont déposés les cadavres qui sont dévorés par les vautours et autres charognards.  https://fr.wikipedia.org/wiki/Inhumation_c%C3%A9leste<br /> Jolis portraits as usual .<br />  
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M
Qu'il est beau !<br /> Ce vautour vaut le détour.<br /> Merci pour ton article très bien documenté.<br /> Bonne fin de journée Pascale.
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