La mauvaise réputation...
Vautours fauves (adultes)
Gyps fulvus - Griffon Vulture
(Hablizl, 1783)
Rapace charognard, le Vautour n'a, à tord, pas très bonne réputation. Cet oiseau est pourtant essentiel pour maintenir un écosystème sain.
Si certains animaux, comme le Dauphin, le Panda, le Koala... jouissent d'une grande cote de popularité, d'autres espèces sont au contraire mal-aimées.
C'est notamment le cas de la Hyène, du Requin, du Loup, du Vautour... alors que la réputation de chacun de ces animaux est totalement injustifiée.
Qui est le vautour ?
Le terme "Vautour" est un nom vernaculaire qui désigne des rapaces carnivores.
On trouve deux familles de vautours parmi les Accipitriformes.
(Clic sur le nom pour accéder à leur fiche).
16 espèces appartiennent à la famille des Accipitridés : dans l'Ancien Monde (Afrique, Asie dont 4 vivant en Europe et tous les quatre sont présents en France *).
Vautour africain, Vautour charognard, Vautour chassefiente, Vautour chaugoun, Vautour fauve * (sur ces photos), Vautour de l'Himalaya, Vautour indien, Vautour à long bec, Vautour moine *, Vautour oricou ou Vautour nubien, Vautour royal, Vautour de Rüppell, Vautour à tête blanche, Gypaète barbu *, Vautour percnoptère ou Percnoptère d'Égypte *, Vautour palmiste ou Palmiste africain.
7 espèces se trouvent dans le Nouveau Monde, c'est-à-dire en Amérique, et appartiennent à la famille des Cathartidés :
Urubu à tête rouge ou vautour aura, Grand Urubu, Urubu à tête jaune, Vautour pape ou Sarcoramphe roi, Urubu noir, Condor des Andes, Condor de Californie.
Si ces animaux présentent des différences, ils ont tous en commun certaines caractéristiques. Ainsi, les Vautours ne sont pas des prédateurs. Ils sont nécrophages, se nourrissant principalement de cadavres d'autres animaux.
Ils ont un champ de vision large, très pratique pour détecter les cadavres depuis le ciel. Un vautour planant à plus de 3 000 m d'altitude peut repérer un objet à terre mesurant 30 cm ! Associé à une excellente vision, ils possèdent également un très bon odorat pour repérer les carcasses des animaux morts à plusieurs kilomètres.
Ce sont d'excellents planeurs, et un certain nombre d'entre eux ont la tête et le cou dépourvus de plumes (ce n'est pas le cas des Vautours fauves même si ce n'est qu'une sorte de duvet).
Chacun à son rôle dans la nature :
- Les tireurs-fouilleurs arrivent en premier sur la carcasse (Vautour fauve et toutes les espèces du genre gyps). Ils explorent les orifices naturels pour consommer les tissus mous : muscles et viscères, le foie et les poumons ;
- Les déchireurs arrivent en second (Vautour moine) et affectionnent les parties plus coriaces telles que la peau, les tendons et les cartilages. Leur bec est plus puissant et tranchant ;
- Les picoreurs arrivent en troisème (Vautour percnoptère) glanant les menus morceaux de viande, de peaux et d’os ;
- Puis les casseurs d’os (Gypaète) qui brisent les os en les faisant tomber de haut puis les avalent.
Ils ont de nos jours mauvaise réputation, pourtant, dans l'antiquité, le Vautour jouissait au contraire d'une très grande célébrité. Ainsi, dans la mythologie égyptienne, Nekhbet, la déesse-vautour, était la protectrice de la Haute-Egypte et du pharaon. On la voit ainsi dans les scènes rituelles avec ses ailes protectrices déployées au-dessus du souverain. Une autre déesse-vautour d'Egypte, Mout, symbolisait, elle, les valeurs maternelles.
Dans l'astrologie Aztèque, le Vautour est le 16e des 20 signes. Il est synonyme de bonne santé, de longévité, et de réussite dans les affaires.
Mais de nos jours, le Vautour n'a plus très bonne presse. Il a longtemps été pris pour un prédateur, ce qui a entrainé un grand nombre d'empoisonnements. Certains agriculteurs continuent d'ailleurs d'accuser le rapace d'avoir tué du bétail. Or, d'après les expertises effectuées par des vétérinaires, les animaux étaient déjà morts dans 94% des cas, et dans 6% des cas, les attaques avaient eu lieu sur des animaux moribonds (et souvent ce sont les Corbeaux qui attaquent les premiers). De plus, le fait qu'il soit nécrophage, que son physique ne soit, pour certains, pas très engageant font qu'il est considéré comme un "oiseau de mauvais augure", associé à la mort.
En outre, contrairement aux autres rapaces, les Vautours n'ont pas de serres : leurs pattes et leurs griffes ne leur servent qu'à marcher, et non pas à attraper des proies et les tuer.
En Afrique, ils ont été volontairement empoisonnés par les braconniers. En effet, le survol des vautours au dessus des cadavres d'animaux massacrés indiquait aux rangers leur emplacement.
Le vautour, un pilier de l'écosystème !
Empoisonnés volontairement ou non, électrocutés par des lignes électriques et tués par les pales des éoliennes, sacrifiés pour la médecine traditionnelle (L'utilisation des vautours en médecine traditionnelle, au niveau actuel, va probablement provoquer leur extinction dans 20 à 30 ans en Afrique)... les Vautours voient leur population diminuer dans le monde, et beaucoup d'espèces se retrouvent menacées.
Et pourtant, ces grands oiseaux sont essentiels pour maintenir un écosystème sain. En mangeant rapidement les cadavres d'animaux, ils permettent de limiter la propagation des maladies, d'autant plus que leur système digestif détruit les germes pathogènes.
Dans les régions où l'on trouve les Vautours, les éleveurs ont pris conscience de l'aide qu'ils leur apportent. Ainsi, ils participent de plus en plus au don de leurs animaux morts en les déposant sur des placettes de nourrissages faites à cet effet, les Vautours effectuant un équarrissage naturel.
L'équarrissage est l'abattage et le dépeçage d'animaux impropres à la consommation alimentaire, une pratique coûteuse pour les éleveurs lorsqu'elle se fait de façon industrielle en abattoir.
Alors, à l'instar des Mouches, regardons aussi les Vautours avec un regard bienveillant :-)
Au Tibet, des oiseaux sacrés pour des funérailles célestes : Les Vautours !
Le Potala, Lhassa, Tibet.
Source : Une des photos de ma Maman qui a fait ce voyage en 2011 à l'âge de 78 ans.
Au Tibet cohabitent diverses pratiques funéraires : inhumation, immersion, manducation par les Vautours et crémation. Certaines sont plus pratiquées que d’autres et avec des disparités régionales. Il y a là une forme de "complétude", chacun des rites renvoyant à l’un des quatre éléments constitutifs de l’univers : terre, eau, air (par l’intermédiaire des oiseaux) et feu. Le choix du rite dépend du défunt : ainsi l’immersion sera souvent pratiquée pour un jeune enfant, la crémation plutôt réservée aux religieux.
Le rite le plus pratiqué est celui des funérailles célestes : Il est vrai que dans de nombreuses régions du Tibet, en raison du gel qui s’oppose autant à l’inhumation qu’à l’immersion, et du peu de bois disponible pour la crémation , le rite "aérien" paraît le plus adapté.
À la mort d’une personne, pour les bouddhistes, l’âme continue d’exister, au contraire du corps, qui devient une sorte d’enveloppe vide qui doit retourner à la nature.
Un moine vient faire la P'owa (pour l'âme) : pratique du bouddhisme Vajrayana permettant de transférer la conscience, au moment de la mort, dans un "champ pur". Quitter ce monde n'est plus dès lors perçu comme un sujet d'angoisse, mais comme une occasion, selon notre karma, de se libérer du cycle des existences.
Pendant les trois jours qui suivent le décès, on ne doit d’abord pas toucher à la dépouille du défunt. Puis, au troisième ou quatrième jour, le corps est dénudé puis il est enveloppé dans un tissu de laine blanche dans la position du Bouddha couché (sur le côté droit avec la main droite sous la joue et la main gauche sur la cuisse gauche).
Un membre de la communauté vient chercher la dépouille et la conduit sur une "aire de découpage" du corps. Là, sur un autel, un moine chante autour du corps, brûle de l’encens pour attirer les oiseaux sacrés que sont les Vautours (Gypaète barbu, Vautour percnoptère, Vautour de l'Himalaya, Vautour fauve, Vautour moine). Les oiseaux ne s’y trompent pas, ils volent en cercle autour de la pierre de découpage.
Source photo : https://peuplesautochtones.com/bouddhistes-tibetains/
Une fois les pratiques achevées, le corps est découpé. Mélangés à de la farine d’orge, du thé et du lait de Dri (femelle du Yack) puis les morceaux sont offerts aux vautours. Chaque espèce de Vautour joue son rôle de nettoyeur à tour de rôle, de la chair aux os.
Si tout disparaît, cela signifie que la nouvelle incarnation se fera sous de bons auspices (si le karma n'a pas permis la fin du cycle des existences).
Pendant 49 jours après le décès, les bouddhistes effectuent des rituels à travers des prières et des offrandes. C'est le temps nécessaire selon la tradition bouddhiste pour que l'âme du défunt se réincarne sous une nouvelle forme (toujours selon son karma). Certains bouddhistes font le voeux de se réincarner tant qu'il y aura de la souffrance en ce monde.
Source photo : https://kinokak.ru/fr/luna/v-kakoi-strane-pticy-edyat-mertvyh-lyudei-nebesnye-pohorony-v-tibete.html
Cette pratique peut paraître extrême et peut choquer les Occidentaux, mais elle prend tout son sens dans une perspective bouddhiste. Aujourd’hui, selon l’Institut de recherches sur les nationalités, rattaché à l’Académie des Sciences sociales de la région autonome du Tibet, 80 % des Tibétains choisissent encore ces funérailles célestes. En tant qu'Occidentale, je ne suis pas du tout choquée par cette pratique et c'est ce que je demanderais si c'était permis dans notre pays (pas de consommation de ressources (bois pour le cercueil), pas de consommation d'énergies, pas d'effet de serre produit, pas de tombe abandonnée au fil des générations, et ainsi la nature retourne à la nature.
PS : Ces funérailles célestes sont pratiquées au Tibet (intégré de force à la Chine depuis 1951), mais aussi au Bhoutan ; Dans les régions du Qinghai, Mongolie-Intérieure, Sichuan de la chine ; En Mongolie ; Au Népal et dans certaines régions de l'Inde.