Les Cévennes : Une tradition d’accueil et de liberté
Photos novembre 2022
Le territoire Cévenol est un vaste massif essentiellement forestier (plus de 75% de sa superficie). Ici le pin maritime, introduit jadis pour produire des bois de mines, a colonisé en force les boisements dégradés et les bancels abandonnés, envahissant même les taillis de Châtaigniers. On trouve souvent aussi les Chênes vert, blanc, Kermès, pubescent... parfois mêlés de Châtaigniers. On rencontre également le Pin laricio (espèce introduite), et des boisements de Pin de Salzmann autochtone, autrefois répandu, mais qui survit dans un milieu restreint favorable. D'autres essences sont aussi présentes, telles que Hêtre, Pin maritime, Pin douglas, Pin Sylvestre, Pin parasol et Pin d'Alep, Genévrier de Phénicie (certains approchant le millier d'années), Pistachier térébinthe (certains de plus de 300 ans), Peuplier blanc, Peuplier noir, Saule blanc, Pacanier, Platane, Cèdre, Cyprès, Azérolier, Figuier, Mûrier blanc, Cerisier, Cade de l'Antoine, Tilleul, Noyer noir, Bouleau, Arbousier...
La progression du couvert forestier depuis le XXe siècle a favorisé le retour ou l’installation de diverses espèces animales et végétales. On y retrouve, entre autres pour les mammifères : le Cerf élaphe, le Loup gris, le Castor, le Chevreuil, la Loutre, le Renard, le Chat forestier (ou Chat sauvage), le Sanglier, le Blaireau européen, le Raton laveur, la Genette commune, La Martre des Pins, le Chamois, le Lièvre d'Europe, le Mouflon, le Chien viverrin, le Lynx... (Pour ces deux derniers, leur présence aurait été confirmée de manière fiable par une centaine de témoignages). Pour les oiseaux : le Gypaète barbu, le Pic noir, l'Aigle royal, le Circaète Jean-le-Blanc, La Chevêche d'Athéna, la Chevechette d'Europe, L'Effraie des clochers, le Grand Duc d'Europe, Le Hibou moyen-Duc, le Petit Duc scops, le Grand tétras, le Vautour fauve, le Vautour percnoptère, le Vautour moine, la Chouette de tengmalm... Pour les insectes : la Rosalie alpine, le Scarabée pique-prune, le Grand capricorne ou le Lucane cerf-volant...
L'automne en Cévennes peut présenter différents "visages" les essences d'arbres étant très diversifiées d'un flanc de montagne à un autre. Certains endroits restent très verts toute l'année, avec, dans la majorité, des arbres à feuillages persistants dominants dans le paysage.
On y trouve parfois des affûts de chasseurs, souvent abandonnés.
On trouve aussi des zones de garrigues (terrain acide et calcaire de la région méditerranéenne ; végétation broussailleuse qui couvre ce terrain.)
Sur la photo ci-dessous, paysage typique de maquis (végétation touffue, dans les régions méditerranéennes). C'est dans ce genre d'endroit que les maquisards (personnes opposées à l'occupation allemande en France pendant la Seconde Guerre mondiale, entre 1940 et 1945) se sont réfugiés pour organiser la résistance. Ce terme "maquisard" vient donc du fait que les résistants souvent entrés dans la clandestinité ont dû se cacher dans les maquis
On peut voir des tas de petits hameaux, des maisons isolées à flanc de montagne et des châteaux, dont certains sont à présent en ruine. Beaucoup de ces maisons sont rachetées et retapées au fil du temps. Les maisons typiques ont été construites en pierre de schiste (y compris pour les toitures). Ce sont celles qui ont bien sûr les plus prisées. Le bois d'œuvre utilisé est celui du Châtaignier.
Sur cet autre flanc de montagne, les couleurs à l'automne sont plus variées... avant que les arbres à feuilles caduques ne soient totalement dénudés.
Le parc national des Cévennes présente plusieurs spécificités qui le distinguent des autres parcs nationaux français : C'est le seul à être situé en moyenne montagne, c'est aussi le seul Parc national de France dont la zone "coeur" est habitée et exploité par des résidents permanents (Chasse ; Apiculture ; Agriculture biologique en plein essors ; Élevage - Bovins sur le Mont Lozère, Ovins sur les Causses et Caprins dans les Vallées cévenoles. Le territoire du Parc national est aussi le berceau de l’élevage de chevaux d’endurance). Dans cette zone, la chasse à tir est la seule autorisée, ce qui comprend l’arme à feu et l’arc (jamais vu de chasseurs équipés d'arcs me concernant). Il est donc interdit de pratiquer la chasse à courre, au vol, à la glu et enfin à la tendelle. Le piégeage est également proscrit. Les autorisations y sont très encadrées et restrictives pour ses adeptes.
Les produits du terroir : ICI
La sériciculture (culture du mûrier et élevage des vers à soie) a constitué jusqu’au milieu du dernier siècle une ressource considérable pour le midi de la France et les Cévennes en particulier. 26 000 tonnes de cocons ont été produits en 1850 ! Ce long passé séricicole des Cévennes a laissé des traces encore vives : une omniprésence du mûrier (nourriture exclusive du ver à soie) dans toutes les vallées. Des techniques et des savoir-faire subsistent encore avec une culture qui demeure bien que sous-jacente, liée à la soie. On trouve encore beaucoup de magnaneries (photo ci-dessous), délaissées, transformées en habitations ou retapées pour poursuivre cette tradition. On apprend encore aux enfants dans les écoles comment élever des vers à soie.
Autour de "mon" hameau (sur la droite), il y a bien sûr des épineux et des Chênes verts qui conservent leur feuillage en hiver, mais aussi des Chênes blancs, Bouleaux, Hêtres, Cèdres, fruitiers dont beaucoup de Châtaigniers (à la fois arbre fruitier et forestier)... donc de belles couleurs en automne. Au centre de la photo, sur la ligne d'horizon, le Mont-Lozère qui forme une petite pointe.
Le Hameau sous un autre angle. Au fond à gauche (juste à côté des feuilles en V), on aperçoit toujours le Mont-Lozère que l'on voit d'une de nos fenêtre.
Les couleurs de la forêt autour du hameau avec beaucoup de fougères et de Bruyères selon les endroits.
Et en fin de journée, un des nombreux habitants fréquentant le verger en friche à l'arrière de notre maison. Gampo va bavarder avec eux chaque soir sans encore avoir compris de quoi ils pouvaient bien se "parler". En tous cas, les Sangliers ne sont pas inquiets de sa présence.
Photos de début Décembre 2022
Vue du hameau un matin nuageux.
Au lever du jour, d'une fenêtre, la pointe au fond : le Mont-Ventoux.
Le même endroit d'une autre fenêtre, quand la pluie s'éloigne.
Ciels du soir, côté Ouest, en bordure de forêt, refuge de l'avifaune et des mammifères.
Les serrures des anciennes maisons protestantes dont les portes sont d'origine sont montées à l'envers (sujet dont je n'ai pas trouvé la réelle provenance, ni si cela existe dans d'autres régions), le panneton de clé étant tourné vert le haut.
Une autre des spécificités des maisons Cévenoles sont les planchers à voûtains offrant dans toutes les pièces des maisons anciennes des plafonds aux formes singulières très charmantes (détails ICI), y compris dans les caves ou dans les anciennes écuries.
Ces voûtains sont plus ou moins prononcés et plus ou moins larges, bruts ou recouverts de chaux (la chaux possède la capacité naturelle de contrôler l’humidité des murs et donc d'être un très bon isolant). Chez moi, ils sont prononcés et larges (1.40m pour une profondeur de 30cm), dans d'autres maisons, ils sont plus étroits et moins profonds.
En Cévennes, la vie y est aujourd'hui paisible, simple et authentique,
mais c'est aussi une région au passé chargé d'histoire...
Cebenna est l'origine du mot Cévennes. Le nom provient du gaulois Cebenna, latinisé en Cevenna par Jules César. Ces mots relèvent probablement d'un ancien celtique "cebn" signifiant dos ou ligne de crête. On lit aussi que traversant notre massif montagneux, il a vu qu'il donnait naissance à sept cours d'eau qui sont : l'Allier, le Lot, le Tarn, le Gardon (Gard), l'Hérault, la Cèze et l'Ardèche. Jules César a baptisé ce pays montagneux "Au sept veines" (sept rivières).
Devenu Sevenes ou Sevennes sous Louis XIV, d'où, le nom aujourd'hui de Cévennes par déformation.
État des grands chemins en Sevennes, carte réalisée par ordre du Roi Soleil en 1703
(clic sur l'image pour l'ouvrir en grand)
SUR LES PAS DES HUGUENOTS.
Quelques dates historiques du protestantisme.
L'histoire du protestantisme commence entre 1230 et 1240 avec les Vaudois (sud de la France, principalement le département du Vaucluse) qui sont des chrétiens qui réclamant la messe en langue populaire, la bible pour tous, et refusent la confession. Ayant été assimilés aux Cathares ils sont massacrés en même temps et deviennent clandestins pendant deux siècles.
- Le 31 october 1517 : Luther affiche 95 thèses qui allaient donner naissance à la Reformation.
- 1534 : Calvin publie son livre sur l'institution chrétienne.
- 1540 Anduze : première ville ou a prêché un prêtre cordelier; il a été pendu trois jours après.
- 1550 : Une des raisons du grand impact du Protestantisme est l'alphabétisation qui était très avancée dans la région. Dans la plupart des villages, même les plus reculés, il y avait des écoles communales ou on apprenait à lire aux garçons. Dans presque toutes les maisons, on avait une bible et quelqu'un qui savait lire.
- 1562 : Les tensions entre catholiques et protestants commencent à s'aggraver.
- 24 août 1572 : Le massacre de la Saint-Barthélemy est le massacre de milliers de protestants par des catholiques déclenché à Paris le jour de la Saint-Barthélemy, prolongé pendant plusieurs jours dans la capitale, puis étendu à plus d'une vingtaine de villes de province durant les semaines suivantes et même les mois suivants.
- 1586 : Henri III envoie le Duc Anne de Joyeuse reconquérir les places-fortes protestantes, il assiège alors Marvejols, rase les trois temples de Marvejols et St Léger de Peyre.
- 2 août 1589 : Henri IV, roi de Navarre depuis le 9 juin 1572, protestant, devient roi de France. Il régnera jusqu'en 1610.
- 1598 : l'Edit de Nantes promulgué par Henri IV donne la liberté de conscience totale et la liberté de religion sous certaines conditions. La liberté du culte est respectée jusqu'à sa mort en 1610.
- 14 mai 1610 : Henri IV est assassiné. Louis XIII (qui devient roi de France) et surtout son ministre Richelieu n'eurent pas les mêmes opinions sur le protestantisme : ils voulurent éliminer la Cause, c'est-à-dire le parti des protestants français.
- Entre 1620/1630 : tout ce qui n'était pas expressément autorisé devient interdit. Le parti des protestants français, la Cause est trop indépendante et donc insupportable au pouvoir royal.
Le Duc Henri de Rohan ayant gardé la religion protestante (gendre de Sully) réunit les villes du Midi et de l'Ouest pour se révolter contre le Roi Louis XIII.
- 1622 : Alès et Montpellier sont entièrement détruites.
- 1628 : Les protestants font rappel à l'étranger ; ensemble avec les Anglais, ils assiègent la Rochelle pendant treize mois. L'épisode le plus célèbre de la lutte contre la Cause fut la reprise par les troupes royales.
- 1630 : La grâce d'Alès met fin aux guerres. Tous les droits de culte sont rétablis. Mais Louis XIII ordonne la destruction de toutes les fortifications des villes ayant participé à la révolte.
- 14 mai 1643 : Louis XIV devient roi sous la régence de sa mère Anne d'Autriche jusqu'au 7 septembre 1651.
- En 1656 : Au début de son règne, le jeune Louis XIV est pourtant entouré d’un Conseil à moitié protestant. Il travaille alors à la réunion des deux cultes afin d’unifier le royaume, sans obtenir de résultats probants. Impatient, il lance en 1661 les premières mesures discriminatoires pour décourager le culte protestant : 12 édits restrictifs sont émis par le Conseil du roi entre 1661 et 1679. Les temples protestants sont interdits, certains sont détruits, tandis que la prédication des pasteurs est proscrite.
- Le 18 october 1685 : Louis XIV signe l'Édit de Fontainebleau connu sous le nom "Révocation de l'Edit de Nantes" et va mener la vie insupportable aux protestants, appelés péjorativement "huguenots", "calvinistes" ou injurieusement : "parpaillots", "fanatiques" ou même "hérétiques". Un climat de forte répression s’installe en France. La croix Huguenote, faite par un orfèvre Nîmois pour protester contre la révocation de l'Edit de Nantes, devient la croix du Languedoc (ICI). Après la Révocation, beaucoup de protestants, majoritaires dans les Cévennes, ont abjuré. "La guerre des Cévennes" est le nom donné au XVIII° siècle à la guérilla sanglante qui ravage les Cévennes et le Languedoc au début de ce siècle avec ses dragonnades (persécutions exercées par les militaires royaux contre les protestants qui refusaient de se convertir et contre lesquels on employa des colonnes de dragons). La population est en révolte...
La résistance est en place avec les Camisards. Ceux-ci portaient une chemise blanche par-dessus leurs vêtements la nuit en signe de reconnaissance d’où le nom "Camisard" (Camiso : chemise). Telles des bêtes traquées, pourchassées par les dragons du Maréchal de Villars, bergers, cardeurs de laine, ramasseurs de châtaignes, les gens du peuple prophétisent au monde "la liberté de conscience". Le relief accidenté, les montagnes et les vallées impénétrables mais familières, sont des abris naturels où se tiennent des assemblées secrètes... (Quelques noms de chefs camisards célèbres : Pierre Laporte dit Rolland, Jean Cavalier, Gédéon Laporte... mais aussi de martyre dont Marie Durand).
Cherchant à fuir la répression, 150.000 à 200.000 huguenots trouvent alors refuge sur des terres protestantes eu Europe, puis pour certains en Amérique du Nord et en Afrique du Sud. Dans le Sud-Est du Royaume de France, la Réforme est très présente. Depuis le Dauphiné, le Languedoc et le Lubéron les départs sont nombreux vers Genève, puis vers l’Allemagne où ils sont accueillis et peuvent s’installer sur les terres mises à leur disposition. Les Vaudois du Piémont qui adhèrent à la Réforme s’exilent et suivent les mêmes chemins.
Il faut attendre les critiques des Lumières pour voir enfin l'instauration d'une véritable tolérance religieuse. En 1787, le roi Louis XVI par l'édit de Versailles accorde un état civil aux protestants, ce qui instaure le mariage civil en France. C'est seulement avec la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que les protestants sont pleinement réintégrés dans leurs droits civiques au sein du royaume de France. À la fin du xviiie siècle, on compte entre 500 000 et 650 000 réformés dans le royaume, guidés par quelque 150 pasteurs.
LES CÉVENNES ET LES MAQUISARDS.
Plus tard, lors de la Seconde Guerre mondiale, "Le Maquis Aigoual-Cévennes" se forme. Il s'agit d'un groupe de résistants . Il était situé en Cévennes, entre le sud Aveyron, la Lozère, le Gard et l'Hérault.
Histoire Fondé à Nîmes par René Rascalon, le petit groupe ne cesse de croître à cause de l'arrivée de réfractaires au STO (1) et en 1943, il est déplacé dans les Cévennes non loin de Saumane.
Il sera transféré par la suite à Aire de Côte (1 085 m d'altitude) où une attaque des troupes d'occupation le dispersera.
Les éléments épars se rapprochent du maquis de Lasalle et une fusion intervient le 6 août 1943.
Le 12 juillet 1944, le maquis de La Soureilhade et le maquis de Lasalle fusionnent afin de former le maquis Aigoual-Cévennes.
Dans cette Résistance en Cévennes, il y a la saga d’une bonne partie de la Résistance M.U.R. (Mouvements unis de la Résistance) du Gard, concernant ses maquis de l’Aigoual, mais aussi leur mouvance, de Nîmes, Le Grau-du-Roi, Sommières et même Ganges, étroitement unies à Lasalle, Saint- Hippolyte-du-Fort et Valleraugue. C'est la mémoire d’une résistance populaire, encadrée par des hommes courageux, volontaires, qui n'étaient pas préparés à ces lourdes responsabilités et qui surent les assumer, avec raison et sans défaillance. La montée en puissance de cette résistance, surestimée par l’'adversaire, lui donna un grand rayonnement dans notre département.
(1) STO : Service du Travail Obligatoire, institué par le gouvernement de Vichy par une loi du 4 septembre 1942 pour répondre aux exigences allemandes de main d'oeuvre, le STO constitue en fait le prolongement de la politique vichyste de la "Relève" mise en place début 1942, et qui consistait à envoyer en Allemagne des travailleurs spécialisés volontaires en échange du retour de prisonniers de guerre (trois travailleurs pour un prisonnier). L'échec de la "Relève" et la faiblesse de ses résultats entraînent l'instauration par Laval d'une nouvelle loi du 16 février 1943 modifiant le recrutement du STO : il ne se fait plus selon un critère professionnel mais sur une base démographique. Les réquisitions concernent désormais tous les jeunes nés entre 1920 et 1922. Très impopulaire, le STO a provoqué une hostilité croissante de l'opinion à l'égard de la politique de collaboration, et il a entraîné une partie des réfractaires à s'engager dans la Résistance, en particulier au sein des maquis.
Les Cévennes, au travers son histoire, sont devenues la mémoire d'un pays de montagne moyenne mais très accidentée, sorte de refuge dans lequel s'est perpétuée une tradition d’accueil et de liberté.