Pipit rousseline & réflexion concernant la technique photographique
Pipit rousseline - Anthus campestris - Tawny Pipit
Fiche info ICI
Il m'est souvent arrivé de lire : "Il vaut mieux une photo techniquement moins réussie qu'une belle photo vide d'émotion".
Très sincèrement, je me demande ce que cela veut dire.
Je le précise, pour éviter toute mauvaise interprétation, que je ne prétends nullement que mes clichés soient
techniquement ou artistiquement réussis, ni même qu'ils vous renvoient mes propres émotions de l'instant ;-)
Une photographie, c'est un instant fugace de la vie (puisque ce monde est l'essence de la vie) figé sur un capteur.
Chacun ayant sa propre sensibilité, il me semble évident que nous ne pourrons avoir le même ressenti face à un instant qui
parfois ne représente qu' 1/8000° de seconde.
La photographie entre dans le domaine de l'art, et donc du subjectif de la même manière que les peintres, les sculpteurs,
les compositeurs musiciens, les cinéastes, les tatoueurs créateurs, les cuisiniers, les écrivains... TOUS des créateurs !
L'essentiel de ce qu'un artiste propose est donc... subjectif et relève des goûts de chacun et de sa propre histoire.
La première chose dans ce domaine sera le ressenti personnel qui fera vibrer certains et d'autres non.
Pour autant, et dans chacune de ces spécificités artistiques, certains sont mondialement reconnus.
Je pense en toute sincérité qu'il doit y avoir derrière cette reconnaissance une très bonne raison : Ces personnes là
parviennent à toucher l'âme et le coeur du plus grand nombre, et si je cherche le point commun entre tous ces artistes
reconnus et quelque en soit le domaine, et bien... ils maîtrisent tous la technique de l'art qu'ils pratiquent !
Pourquoi Vincent Munier est-il parvenu à cette reconnaissance ? Juste parce qu'il appuie son doigt sur un très bon
appareil photo et dans des endroits ou tout un chacun n'a pas forcément la possibilité de se rendre ? Je ne le crois pas !
Et Robert Doisneau, ou encore Jeanloup Sieff, Henri Cartier Bresson et je pourrais en faire une longue liste.
Camille Claudel ou Michel-Ange dans le domaine de la Sculpture.
Vincent Van Gogh ou Paul Cézanne dans le domaine de la peinture.
Joël Robuchon ou Paul Bocuse dans le domaine de la gastronomie.
Amanda Wachob ou Chaim Machlev dans le domaine du tatouage... pour n'en citer que quelques uns.
Pouvez-vous envisager une seule seconde que chacune de ces personnes ne maîtrise pas la technique de son art
pour être parvenu à exprimer librement sa créativité ?
Pour ma part, je pense que ceux qui se réfugient derrière cette vision, à mon sens très réductrice, sont ceux qui n'ont
pas l'envie de s'investir dans tout ce qui est technique, pourtant élément indispensable pour obtenir une bonne réalisation.
Une manière peut-être non seulement de se rassurer soi-même, mais également de diminuer le travail de ceux qui eux
se sont donnés la peine d'apprendre ces différentes techniques. L'ego peut se cacher dans bien des endroits...
Je ne peux envisager qu'il puisse s'agir d'autre chose, car apprendre est à la portée de tous, il faut juste le vouloir.
Ceci ne veut pour autant pas dire qu'une réalisation artistique techniquement bonne séduira tout le monde sans exception
puisque l'art est subjectif. Malgré tout, le plus grand nombre sera touché si elle est réalisée avec émotion. Cela ne veut pas dire non
plus que le meilleur technicien sera forcément le plus doué dans son domaine si sa propre émotion ne se fait pas sentir.
J'ai cherché en moi ce qui pouvait susciter une profonde émotion. C'est la vie, et même dans l'Urbex, la vie a laissé sa trace.
Ce qui me touche est extrêmement varié. Je ne suis pas limitée à l'animalier même si j'ai fait le choix de consacrer les pages
courantes de ce blog à ce domaine bien précis, et ce depuis quelques années.
J'aime aussi la photo reporters, les paysages, l'urbex, la macro, le portrait.... rien ne me laisse indifférente
si la composition, qu'elle soit naturelle ou post-traitée me renvoie quelque chose de .... VIVANT !
Et même dans la guerre, qui, pour les photographes reporters à pour essence de nous faire nous insurger, l'émotion est présente !
Dans le domaine de la photo, je peux donc être profondément touchée par des tas de styles différents, même si l'animalier m'émeut
plus spécifiquement. Pourtant, une chose concernant la photographie est rédhibitoire me concernant : la présence de grillages,
de barreaux, d'enclos (exception faite de la photo reporter, ce qui dans ce cas peut justement donner tout son impact émotionnel) !
De la même manière, je n'apprécie pas une photo animalière dont le sujet a été photographié en plongée et sera écrasé par l'angle de
la prise de vue ; quand le sujet est placé en plein centre à la manière d'une cible ; quand une ligne d'horizon penche ; quand un sujet
est placé face contre le cadre photographique et que l'animal me donne le sentiment de manquer d'air ; quand une personne
pose dans une attitude artificielle doublée d'un sourire "commercial" ou "Colgate".
En revanche, j'apprécie certains portraits, réalisés en studio ou pas, mais laissant passer une expression, une émotion.
C'est là que toute la différence se fait de la part du photographe qui non seulement maîtrise parfaitement
la technique mais à aussi un regard artistique (exemples avec Steve McCurry ICI ou Patrick de Wilde ICI).
Alors certes, je peux comprendre que l'apprentissage de la technique photographique soit quelque chose de rébarbatif, que d'apprendre
et de comprendre les règles de composition ne soient pas une priorité dans ce que nous souhaitons partager. Pourtant ces règles existent et
nous viennent des peintres. Nous, photographes, n'avons rien inventé dans ce domaine. Ces règles ont fait leurs preuves au travers les siècles
car nos cerveaux réagissent à ce qu'ils voient, ce qui au travers un tableau ou une photographie s'appelle, à l'instar d'un écrit : UNE LECTURE.
Je remarque au fil des années que les photographes qui non seulement maîtrisent la technique, les règles de composition, l'utilisation de leur
matériel et sont en plus doués d'un sens artistique... EUX, font preuve de respect pour ceux qui n'ont pas l'envie de s'investir dans ces apprentissages
et qu'ils ne cherchent pas à minimiser leur travail. Apprendre la technique, c'est aussi vouloir toujours s'améliorer et par conséquent, cela
ouvre à un peu d'humilité par la conscience que nous n'avons JAMAIS fini d'apprendre, et que c'est aussi toute la richesse de la vie.
Une photo n'est pas due au hasard quand le photographe a déterminé les réglages de son boîtier dans un premier temps (et n'a pas
conservé les réglages de sortie d'usine). Que selon la lumière de l'instant, le résultat qu'il envisage avant même d'appuyer sur le
déclencheur, il va déterminer ses iso, sa balance des blancs, son exposition, sa vitesse, son ouverture, son angle de prise de vue,
son cadrage, et cela sans avoir besoin d'y réfléchir longuement pour exprimer sa créativité.
En est-il de même quand on fonctionne en tout automatique et sans forcément être attentif aux règles de composition ?
Merci donc à ceux qui n'ont pas envie de se pencher sur quelque technique qui soit (ce qui est respectable), de respecter vous aussi ceux qui
ont choisi de faire autrement, qui ont choisi de s'investir dans ces apprentissages. Il serait courtois de cesser de prétendre qu'une photo
techniquement réussie n'a souvent rien à véhiculer émotionnellement car étudier la technique, c'est avoir envie de progresser, et c'est
avoir cette humilité de se dire que justement... on ne sait pas tout, et que nous aurons toujours quelque chose à apprendre !
Étonnant phénomène que celui de dénigrer la technique acquise par ceux qui l'ont souhaité tout en prétendant... qu'il ne faut pas juger ;-)
Qu'est-ce qu'une bonne photo ? Voir ICI
Ce lien n'est pas ce par rapport à quoi je me rapporte ni ce qui m'a fait développer ici ma réflexion.
En revanche, je me suis retrouvée dans les arguments de cette personne par rapport à ma propre vision des choses.
J'ai donc juste déposé cette page pour vous présenter une autre vision...
Ci-dessous, l'intervention de l'auteur de cet article que j'ai partagé en lien.
Cette intervention abonde totalement dans ce que je pense moi-même et que je résume très souvent dans cette phrase :
"Il faut apprendre la technique pour pouvoir ensuite l'oublier".