Vivre en Cévennes...
Éprise des Cévennes depuis mon adolescence je m'étais alors promis d'y vivre un jour.
J'y ai posé mes valises à deux reprises. La première fois entre 1994 et 2001 à l'Est du Gard, dans la partie Sud du Parc National, non loin du Mont Aigoual. Devenue Cévenole de coeur, j'y suis retournée en 2020 (après presque 20 ans à Montpellier, sans m'en éloigner, sans jamais cesser de m'y rendre et tout en me promettant d'y faire un heureux retour) cette fois à l'extrême Nord du Gard au Sud/Ouest du Parc National, non loin du Mont Lozère.
Habiter le Parc National des Cévennes, c'est une décision qu'il est préférable de faire en toutes connaissances de causes.
Depuis belle lurette, les Cévenols savent qu'ici il faut tout prendre ou tout laisser. La demi-mesure n'y a pas sa place : la douceur de l'air y est très agréable, mais il faut aussi compter avec les sécheresses de l'été, les inévitables épisodes Cévenols de l'automne (explications ICI) et parfois les chutes de neige magistrales de l'hiver...
C'est aussi faire le choix de vivre à l'écart du monde urbain dans un quotidien en harmonie avec la nature, centré sur le respect de l'environnement.
C'est une qualité de vie exceptionnelle au coeur de ses montagnes, vallées, rivières, causses et forêts. Un véritable retour aux sources.
C'est encore savoir apprécier un esprit communautaire et solidaire très marqué, y faire de jolies rencontres avec les Cévenols qui sont des gens passionnés par leur région, discrets, d'une grande simplicité dans tout ce qu'il y a de bon, un peu sauvages aussi...
Il faut savoir les "apprivoiser" mais dès lors qu'on les connaît, ce sont des gens très accueillants, attachants, entiers, généreux, sincères, et de parole avec qui on tisse de très belles relations amicales.
Pour autant, les gens d'ici voient arriver l'été et son lot de touristes d'un oeil bougon, car contrairement à ce que l'on pourrait croire du tourisme vert, à leur départ, ici aussi la nature est jonchée de leurs déchets (canettes, cigarettes, emballages alimentaires, couches sales...) que nous, les habitants aimant notre environnement, ramassons ;-(
Idem à cette période de l'année pour la cueillette des champignons et le ramassage des châtaignes où parfois les gens viennent même de très loin (pays de l'Est) et massacrent la forêt et ses sentiers.
C'est un vaste territoire, bien meilleur que toutes les vitamines pour se ressourcer quotidiennement.
C'est un environnement étonnamment différent à chaque saison et qui offre une gamme d'activités culturelles, sportives et touristiques pour tous les âges.
C'est une terre tout entière livrée aux Pins, Châtaigniers, Chênes verts... dont la verticalité du paysage finirait par rebuter la plus opiniâtre des Chèvres.
On apprend à y vivre au rythme d'une nature farouche, exubérante, et indocile mais qui est protectrice à la fois.
Dans ses vallées profondes, dans ses maquis impénétrables, sur ses pentes abruptes et même sur ses Causses arides... rien n'est simple. Tout se gagne, tout s'arrache ! Pour cultiver le moindre petit lopin, des générations entières y ont sué sang et eau.
Ici, on dit que les pierres sortent de terre, et en cultivant mon potager, j'ai pu constater que ce n'est pas une légende, on les retire mais d'autres apparaissent à la surface peu après.
Des kilomètres de murets de pierres sèches (qu'on appelle les faïsses) ont été bâtis et sillonnent les Cévennes, striant ses flancs de longues terrasses (on en distingue un sur la gauche du pont derrière les arbres). Ici, l'homme s'est montré le plus obstiné, et il l'est encore aujourd'hui.
Ici, une faïsse surmontée d'un escalier.
Le terme "faïsse" apparaît dans les texte dès le bas Moyen Âge (autour de l'an 1000).
Cependant l'âge des terrasses Cévenoles est très discuté. Certains historiens pensent que la plupart des terrasses encore en état de nos jours datent du XVIII° siècle, période de forte démographie, tandis que d'autres les datent de l'époque Romaine et même avant.
Ces polémiques reposent sur le fait qu'il est quasiment impossible de dater les constructions en pierres sèches dont les techniques n'ont pas évolué dans le temps. D'autre part, leur entretien était assuré régulièrement par chacune des générations qui réparait, agrandissait, améliorait, modifiait et ainsi ont transmis le patrimoine et le savoir-faire des paysans-bâtisseurs.
Outre le travail de la terre réalisé grâce aux faïsses, les Cévenols veillent. Il leur faut toujours entretenir la flamme issue de la répression envers les huguenots. Puis, plus tard, avec la résistance et le maquis durant la seconde guerre mondiale (dès janvier 43, la résistance Cévenole s'organise à l'échelle de la faible population locale.
Les premières ébauches de maquis se forment alors dans les basses Cévennes). Durant cette guerre, beaucoup d'enfants juifs y ont été accueillis.
Depuis toujours les Cévennes sont une terre d'asile.
Les Cévenols continuent toujours de souffler sur les braises de cet esprit de résistance, de maintenir la ferveur, celle qui jadis, ici, a "soulevé les montagnes".
L’élevage est la forme d’agriculture dominante du Parc national. Elle représente un intérêt économique considérable à l’échelle du territoire. Les principales espèces élevées dans les Cévennes sont les caprins, les bovins et les ovins.
Toutefois il ne faut pas négliger le Baron des Cévennes (porc de race pure Duroc), reconnaissable à sa robe rousse. Les quelques producteurs pratiquent l'élevage extensifs : Les cochons vivent en plein air sous les chênaies et châtaigneraies du territoire des Cévennes. Le bien-être des cochons est la préoccupation majeure des éleveurs : de grands espaces, une alimentation variée, des soins naturels sont parmi leurs actions quotidiennes.
La culture et l’identité des Cévennes se traduisent également par ses produits du terroir (Châtaignes, Figues, Oignons doux, Pommes et leur excellent jus de pommes, Cerises, Champignons, Pélardon, miel de l'Abeille noir des Cévennes, bière, vin du piémont Cévenol...), Whisky et Pastis des Cévennes, tout autant que par son artisanat (ateliers d'artistes, galeries d'art et marchés de créateurs). Des tas d'opportunités de se nourrir local quelques soient nos choix alimentaires.
Les marques laissées par l’homme dans les Cévennes couvrent toutes les époques, de la préhistoire à nos jours. Elles font du territoire du Parc national un véritable témoignage de l’adaptation des hommes à la vie dans les montagnes méditerranéennes.
A la fin du néolithique, les premières communautés agro-pastorales se sédentarisent dans les Causses et Cévennes. C’est l’époque des premiers villages, du début de l’agriculture et de l’élevage, mais aussi de la construction de mystérieux monuments de pierre : les mégalithes (construction monumentale liée au mégalithisme, constituée d’une ou de plusieurs pierres brutes de grandes dimensions peu ou pas taillées, érigées sans mortier ni ciment pour fixer la structure et témoignant d'acquis technologiques et d'un degré d'organisation sociale remarquables). Les principaux types de mégalithes en Cévennes sont les menhirs et les dolmens.
De l’époque gallo-romaine, les vestiges sont plus rares mais pourtant remarquables, parvenus jusqu’à nous en parfait état de conservation. La mise au jour de quelques villas "à la romaine" (chauffage au sol, sols mosaïqués) attestent de la présence d’une aristocratie de l'époque. Dispersés sur tout le territoire, plusieurs vestiges artisanaux témoignent d’une sidérurgie ancienne et d’importants ateliers de céramistes en Cévennes.
De l’époque médiévale date l’influence décisive des activités humaines sur les paysages cévenols : d'anciennes fermes (gauche) et Mas (droite) dont certains sont totalement restaurés pour accueillir des hôtes de passage, des châtaigneraies cultivées, des pentes aménagées en terrasses, des équipements hydrauliques et béals (petit canaux d'irrigation)…
Le XVIIIe siècle voit le développement de l’élevage du ver à soie pour la pratique de la sériciculture. Les vers à soie ou chenilles du "Bombyx Mori" sont les plus couramment utilisés parce que ce type d'insecte fabrique des cocons en fils de soie d'une très grande longueur. Cet élevage à souvent généré l’agrandissement des maisons par l’aménagement de magnaneries, dont quelques unes sont encore en activité aujourd’hui.
L'amourier ou l’arbre aux feuilles d’or comme l’appelaient les anciens, autrement dit le Mûrier blanc (Morus alba L.) ne nourrit pas que les vers à soie pour la sériciculture . Il peut nourrir tous les herbivores, mais aussi les êtres humains, avec ses fruits et sa feuille dont on fait du thé et des mets de qualité. Dans le mûrier rien ne se perd, même son bois de taille sert pour la fabrication d’un thé d’écorce et le reste en bois raméal fragmenté est une bénédiction pour les jardins. Sa grande résistance à la sècheresse et sa gourmandise en CO₂ font de lui une culture d’avenir. Particulièrement adaptée à notre région et au dérèglement climatique en cours, ainsi, on le plante en beaucoup d’endroits sur la planète pour stopper l’avancée des déserts.
Dans nos contrées méridionales, le Mûrier blanc passa longtemps pour un arbre mythique, à tel point qu'en maints endroits des Cévennes, lors de la cérémonie familiale du "Cachio-Fio" (ou de l'embrasement de la bûche), ayant lieu le soir de Noël. C'est une bûche de mûrier, mort dans l'année, qui était posée dans l'âtre ...
De nos jours, dans ses vallées on découvre toujours d'anciennes fermes fortifiées (photo ci-dessous à gauche), de beaux clochers de tourmente (photo à droite) et tout un riche patrimoine bâti. L’architecture recherchée de ces fermes témoigne encore d’une certaine richesse de l'époque. Elles fonctionnaient en autarcie étant nanties d’équipements agraires (aire à battre, moulin, four à pain…).
Les clochers de tourmente sont de petits clochers faisaient tinter au loin leur cloche pour permettre à l'égaré dans la bourrasque de trouver son salut. Ils semblent être une spécialité typiquement lozérienne.
Parfois les maisons semblent sorties de terre, au milieu des amas de blocs granitiques.
Elles peuvent aussi être perchées dans des endroits semblant totalement incongrus.
A l'écart des vallées, disséminés sur les flancs des montagne, on découvre de petits hameaux typiques et toujours habités, comme l'est celui du Castanet (vient du latin "castanea" qui signifie "châtaigne"), situé dans le Parc National à la frontière Gard/lozère. Ces hameaux témoignent un peu partout d’un passé ou primait, là aussi, d'une vie en quasi-autarcie.
Deux anciens moulins se trouvent encore dans le hameau. Ils ont permis aux anciens d'exploiter l'eau pour la fabrication de la farine de Châtaigne grâce à cette ressource si précieuse que les Cévenols ont su gérer au cours des siècles avec économie. Ici, les Châtaigniers ont préservé les Cévenols de nombreuses disettes.
La faune sauvage y est riche et variée, et c'est une immense chance de pouvoir observer assez régulièrement, entre le crépuscule et le point du jour, nombre de mammifères tels que les Chevreuils, Biches et Cerfs, Sangliers Blaireaux, Chien Viverrins, Renards, Genettes, petite meute de Loups (1)... circuler paisiblement dans l'unique ruelle qui traverse le hameau alors que tout le monde (ou presque) s'est blotti dans les bras de Morphée.
(1) Il est difficile de dire combien de Loups peuplent actuellement le Parc national des Cévennes. En revanche, il est avéré qu'une meute s'est installée sur le mont Lozère, avec la naissance de louveteaux.
La majorité des demeures du hameau datent du 16° et 17° siècle (seules 2 maisons récentes y ont été construites, la plus récente il y a une vingtaine d'années. Les nouvelles constructions y sont désormais interdites.
Ces vieilles demeures ont pour beaucoup été les refuges des Huguenots entre la fin de la guerre de Trente Ans (1648), et la période suivant la révocation de l'édit de Nantes (1685). Certaines d'entre elles sont toujours dotées d'une bergerie ou chèvrerie, d'une écurie avec mangeoire en pierres ayant accueilli Mule ou Cheval et calèche permettant de se rendre dans la vallée (pour les plus riches de l'époque et aux fins de rapporter les denrées nécessaires aux habitants), et aussi d'une cuve pour la fabrication de la Cartagène (boisson alcoolisée, de type mistelle, consommée à l'apéritif et typique du Languedoc)...
Chacune des demeures du Castanet offre de superbes panoramas à ses 16 habitants à l'année. Côté Nord (au fond sur la photo ci-dessous), nous pouvons admirer le Mont Lozère (en occitan Mont Losera) appelé aussi "Les Monts Lozère", massif en majorité granitique qui s'étend sur plus de 35 km, situé dans le sud-est du Massif central français, offrant son point culminant au Parc national avec le pic de Finiels (1.699 m). Les autres sommets principaux du Mont Lozère sont, avec le Finiels : le pic Cassini à 1.681 mètres ; le dôme de Bal à 1.679 mètres ; le signal des Laubies à 1.657 mètres ; le Touril à 1.575 mètres ; le Chaumadou à 1.563 mètres ; le roc des Laubies à 1.562 mètres ; le roc de Serviès à 1.536 mètres ; le roc des Mulets à 1.501 mètres ; et le roc de Chambelève à 1.475 mètres.
Côté Est, au loin et en arrière plan des montagnes Cévenoles, nous pouvons admirer le Mont Ventoux situé dans le département français du Vaucluse en région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Culminant à 1 910 mètres, il fait environ 25 kilomètres de long sur un axe est-ouest pour 15 kilomètres de large sur un axe nord-sud.
Vivre en Cévennes, c'est vivre dans un "pays" qui a une âme, un "pays" religieusement travaillé au cours des siècles.
Ici, on vit un peu au fin fond du monde, mais qu'importe, on s'y sent tellement bien !
C'est la magie de ces lieux qui s'offrent pleinement à nous et qui, dans le même temps, se refusent, se dérobent... et nous envoûtent.
Photos 2024 réalisées avec mon smartphone.
(3 des photos en petit format et non signées ne sont pas les miennes - Brebis, Cochon et Mûrier blanc - la source apparaît au passage de la souris)