Les animaux sont-ils intelligents et ont-ils une conscience ?

 
Ces questions hantent les esprits (y compris ceux de certains chasseurs) qui observent des réactions, souvent remarquables d’anticipation du gibier qui surprennent et interrogent...

Les critères de l’intelligence prennent notamment en compte capacité d’adaptation, réactivité et mémoire. Emmanuelle Pouydebat, chercheuse au MHNP et auteure de l’ouvrage "l’Intelligence animale" propose une définition qui se réfère à une particularité partagée par tous les êtres : "la meilleure adaptation d’un individu à son milieu. Ainsi l’intelligence d’un humain comme celle de n’importe quel animal se résumerait à sa faculté de répondre vite et avec flexibilité à une situation nouvelle. Raisonner, mémoriser, communiquer, se montrer réactif, tisser des liens sociaux avec ses congénères, transmettre un savoir-faire, voilà autant de comportements intelligents propres à l’homme comme aux bêtes".

Parmi les animaux qualifiés de Gibier, l'exemple du Sanglier (Sus scrofa) surnommé "la bête noire".

Réactivité, mémorisation et capacité d’adaptation comptent parmi les particularités comportementales qui relèvent de l’intelligence, développées chez ces animaux qui doivent réfléchir et improviser pour échapper au danger ou s'orienter. Le sanglier compte, avec le loup, parmi les espèces les plus intelligentes si l’on se réfère à la définition précitée.

Grégaires, ces animaux tissent des liens sociaux étroits avec leurs congénères et maîtrisent une forme de langage avec lequel ils expriment leurs sentiments par divers sons et postures. Très réactif face au danger que représentent pour lui les chasseurs, le sanglier a su adapter son comportement en se regroupant, en devenant plus mobile, moins fidèle à ses habitudes et en changeant de quartiers. Il distingue ainsi les zones à risques de celles de quiétude comme les réserves et secteurs périurbains qu’il rejoint volontiers, sachant qu’il n’y risque rien.

La mémoire est une autre forme d’intelligence et les animaux n’en manquent pas. Certains pensent que contrairement aux humains ils ne savent pas anticiper (mémoire associative mais non conceptuelle). Mes expériences dans la nature m'ont très souvent démontré le contraire et nombreux sont les éthologues qui partagent cet avis. Dans tous les cas, la mémoire est une fonction indispensable à la survie du gibier. Elle concerne essentiellement ses trois sens primaires et peut donc être auditive, visuelle et olfactive. Certains bruits tels que les détonations, claquements de portières, éclats de voix ou récris des chiens sont ainsi plus particulièrement associés au danger.

Identifier le danger : Parfois, la capacité chez l’animal sauvage à sélectionner, dans des gammes de sons très divers, ceux qui doivent être associés à un danger est confondante. Par exemple, une branche morte qui tombe d’un arbre et s’écrase au sol : ce bruit ne provoque aucune réaction de panique. En revanche, la même branche qui craque sous votre semelle alertera vite tous les animaux du secteur. Ils savent donc identifier l'origine des bruits, c'est une mémoire associative, forme d’intelligence aiguë, qui permet au gibier de différencier les bruits.

L’animal n’agit pas toujours de façon immuable. Confrontée à une situation nouvelle, une espèce inventera un autre comportement. Et quand ce nouveau mode de vie lui convient, elle le mémorise, le reproduit, et le transmet à ses petits. La mémoire intervient donc directement sur la faculté d’adaptation du gibier, et représente à ce titre et selon la définition donnée une forme d’intelligence incontestable.

Sentir pour s’orienter : Elle est sans aucun doute très largement sous-estimée. On l’ignorait même jusqu’aux expériences menées par l’Italien Papi qui a mis en évidence l’importance considérable de l’olfaction chez le pigeon voyageur pour retrouver son chemin. La mémoire olfactive interviendrait donc dans la faculté d’orientation de tous les animaux. Ces formidables performances expliquant la capacité qu’ont les chiens et les chats perdus à retrouver leur chemin. La mémoire olfactive ne concerne donc pas que l’odeur du chasseur portée par le vent !

Nous connaissons également mal le rôle des phéromones et leur mémorisation. Tout ce qui transparaît à travers nos émotions sur le plan olfactif peut être perçu par les animaux. Le chien ainsi que tous les autres prédateurs, mais aussi les mammifères, détectent la peur chez l’homme avec une rare acuité.

Un chien parvient aussi à pressentir que vous allez l’amener se promener, alors que rien ne prouve dans votre comportement ni votre équipement que c’est le cas. En revanche, il ne bougera pas s'il a compris que la sortie ne le concerne pas. Ce phénomène ne relève pas du paranormal ni forcément de la mémoire, mais là encore certainement de l’émission de phéromones. En réalité, nous sommes à l’aube de comprendre tous les mécanismes complexes de la mémoire animale… et d’une manière plus globale de son intelligence.

Voir et se souvenir :  Grâce à cette fonction, les migrateurs (oiseaux, mammifères et certains insectes) retrouvent leur chemin en se fiant au positionnement des étoiles, à des repères au sol mais aussi grâce aux courants géomagnétiques (champs magnétiques, courants telluriques…).

Le chien aussi intègre quantité de repères visuels qu’il peut mémoriser. 

Les animaux ont-ils une conscience ? Descartes affirmait que l’animal n’était “qu’une machine mue par des automatismes”. Il réfutait l’idée qu’un animal pût être sensible, ressentir de la peur ou de la joie.

Notre Code rural stipule depuis dix-huit ans, dans son article L214-1, que “l’animal est un être sensible”. Auteur de La Vie Secrète des Animaux, Peter Wohlleben l’affirme : “Les animaux ne sont pas des machines mues par leur seul instinct et non leur conscience. Ils éprouvent des émotions, des sentiments, ont une personnalité propre.”

Image Web

Le sanglier des Visayas vit dans les forêts tropicales des Philippines. Mais c'est à la ménagerie du Jardin des plantes de Paris qu'il lui a été observé, tout à fait par hasard, un comportement des plus surprenants. Un individu s'est en effet muni d'un bâton et de morceaux d'écorce pour creuser un trou. Un comportement surprenant, car l'on n'avait encore jamais vu un cochon utiliser un outil. Si ce n'est, peut-être, quelques sangliers utilisant des pierres afin de sonder l'électrification de clôtures.

Toujours en étudiant les sangliers des Visayas de plus près, des chercheurs de l'Inra (France) ont découvert qu'il s'agissait là plutôt d'un comportement de femelles (dans dix cas sur onze). De quoi imaginer qu'il est essentiellement transmis de mère en fille. D'autant que ce comportement est uniquement mis en œuvre pendant la période où les femelles construisent le nid bordé de feuilles qui accueillera leur progéniture.

Autre constat du processus : lorsque des spatules sont mises à la disposition des sangliers pour leur servir d'outils, les sangliers continuent de leur préférer largement les outils naturels. Les chercheurs restent également perplexes devant le fait que les outils ne leur semblent pas apporter de réel avantage aux sangliers qui en font l'usage. Reste donc à établir comment ces animaux en sont venus à adopter un tel comportement.

Les Cochons (Sus scrofa domesticus) sont considérés comme des animaux très intelligents. Et l'usage d'outils pour accomplir une tâche est sans conteste un signe d’intelligence.

Au premier printemps passé ici quand la nourriture à commencé à manquer en forêt, nous avons dû cohabiter avec les Sangliers au refuge. Deux mois à les filmer à la caméra infrarouges, pour identifier les points sensibles et à subir pas mal de dégâts. Les répulsifs du commerce ainsi que l'urine humaine qui paraît-il fonctionne très bien, autant dire qu'ils s'en moquent totalement.

Après avoir mis des tas de choses en oeuvre pour tenter de les maintenir à l'extérieur de notre terrain, un solitaire entêté, parvenait toujours à s'introduire sans pour autant détruire les clôtures (???) Un matin, nous nous sommes trouvée en face à face, moi à l'intérieur de la maison et lui sur la terrasse devant une porte fenêtre... terrasse qu'il avait dévastée pour la seconde fois.  Youpiiiiii !

Grâce à la caméra, nous avons constaté que ce solitaire déployait une grande intelligence en ayant compris que pour entrer il ne pouvait pas tirer le portail vers lui et qu'il lui fallait donc franchir l'obstacle. En revanche pour ressortir, il pouvait l'ouvrir en le soulevant pour le dégager de sa clenche puis en le poussant avec son groin. Il a donc fallu rehausser deux fois le portail ce qui a fini par stopper ses intrusions.

Nous avons aussi vu une femelle et ses neuf marcassins se nourrissant sur le terrain. Quand nous nous sommes montrés, effrayée par notre présence la femelle a sauté avec une grande agilité au dessus d'une clôture en dur d'1.5m de haut, mais elle ne s'est pas arrêtée là car ses petits ne pouvaient la suivre. Une fois dehors, elle est venue taper sur partie de clôture en bois de toutes ses forces pendant de longues minutes et à fini par faire une ouverture pour sauver sa progéniture. Elle aussi a donc pu imaginer une solution face à un problème à résoudre.

Pour conclure, je crois pouvoir affirmer que nous avons encore de belles choses à découvrir concernant toutes les espèces et sur le fait que non seulement ils ont une conscience mais qu'ils déploient une intelligence remarquable. Si c'est l'intelligence qui pousse les Humains au respect de l'autre, il est temps d'intégrer que les animaux sont loin d'en être dépourvus même si nous ne la comprenons pas forcément.