Et si nous parlions... Chevaux.

 "La plus noble conquête que l'homme ait jamais faite est celle de ce fier et fougueux animal, qui partage avec lui les fatigues de la guerre et la gloire des combats". 

Georges Louis Leclerc, comte de Buffon


Nom des races au passage de la souris sur les photos.


J'ai partagé un peu plus de quarante années de mon quotidien avec les chevaux. C'est un animal dont je suis tombée amoureuse toute minaude, et ils m'ont énormément appris, non seulement sur eux, mais aussi sur moi-même. Je ne parlerai pas de "conquête" le concernant, mais de lui offrir notre humanité en devenant nous-même cheval, une sorte de fusion entre deux êtres.

Au fil de ces années, ils m'ont enseigné que le respect n'est jamais un acquis mais se gagne et s'entretient. Ils m'ont offert d'incomparables émotions et une incroyable générosité. Ils ont su me montrer leurs forces mais aussi leurs faiblesses, leur intelligence dans leur capacité à se faire comprendre, leur confiance (qu'il faut savoir gagner et conserver jour après jour), leur attachement, leur tendresse et même leur amour. 

Depuis des millénaires, il évolue à nos côtés. Il nous prête sa force là où nous en avons besoin, que ce soit dans les champs (pour tracter le matériel agricole), et sur les chemins pour circuler. Au Moyen-Âge, il était le fidèle destrier qui lors de nos guerres chargeait au galop. Peut-être par respect pour cet animal fiable et fidèle qui nous a beaucoup aidé au cours de l'histoire, les noms se rapportant à son anatomie sont similaires à ceux donnés aux humains : il à un visage, mais aussi des jambes et non des pattes et des pieds. 

Aujourd'hui, il participe à des séances de zoothérapie aidant ainsi les humains à retrouver quelques fonctions physiques éteintes pour de multiples causes. À trouver ou à restaurer une confiance perdue que ce soit dans la dépression, le trouble du spectre de l'autisme, etc. Cela en comptant sur des compétences si particulières. Des compétences sociales qui sont particulièrement fascinantes... 

Avec eux, il faut garder à l’esprit que le cheval, même domestiqué, est une proie et à conservé ce comportement de proie même devant l'Homme (qui est lui, un prédateur). Il n’a pas été doté de crocs, de griffes bien aiguisées, ou d’une grande capacité à se battre. En revanche, le cheval a un excellent instinct de survie grâce à sa prompte réactivité. C’est pour cela qu’un cheval peut courir très vite, et au moindre signe de danger, il fuit. Ses sens sont toujours en éveil pour repérer le moindre danger.

Un cheval vit dans un monde sensoriel très développé. C’est-à-dire que ces 5 sens sont toujours en éveil et lui permettent de cerner de nombreuses choses que nous, humains, n’imaginons qu’avec peine. Son champ de vision couvre près de 360° (il a un angle "mort", il ne faut donc jamais surprendre un cheval en arrivant juste derrière lui, surtout s'il ne nous connaît pas bien, au risque de prendre un coup de pied) et il dispose d’une bonne vision nocturne. Son ouïe est très fine et ses oreilles indépendantes l’une de l’autre. Il peut donc écouter deux choses à la fois et les traiter séparément. Son odorat est également très poussé, vous le verrez souvent faire une sorte de grimace, le flehmen, en relevant sa lèvre supérieure. Quant au toucher… Si vous avez déjà simplement vu un cheval, vous saurez qu’il est un animal très sensible. A peine une mouche se pose-t-elle sur son dos que le cheval y réagi déjà par un mouvement musculaire pour la chasser. 

Le cheval est-il intelligent pour ces raisons ? Eh bien je pense qu'on peut y répondre oui ! Après un rapide aperçu des capacités de ces 5 sens, imaginez à présent sentir une mouche sur votre dos, parler à un ami, en regardant la télé, le tout en buvant de l’eau. Arrivez-vous à tout suivre consciemment et sans aucune perte ? Le cheval OUI. Le fait de réussir à traiter autant d’informations à la fois relève de l’intelligence. C’est en effet le cerveau qui va activer chaque récepteur et va devoir assimiler chaque information.

Le cheval a une mémoire remarquable. On utilise souvent l’expression une mémoire d’éléphant, mais on pourrait l’appliquer au cheval également. Elle est surtout olfactive (odorat), tactile (le toucher) et auditive (ouïe). De plus, un simple claquement de langue et le cheval sait aussitôt ce qu’il doit faire. Cela contribue à en faire un magnifique partenaire pour l'Homme.

 Tous les animaux retienne beaucoup de choses, nous sommes à présent tous (ou presque) d’accord là dessus. Ce qui le rend intelligent, c’est de s’en souvenir à vie avec une seule expérience. Frappez une fois votre cheval et il s’en souviendra toute sa vie. Mais surtout il risquera de savoir vous le faire payer par la suite. Si un jour il vous arrive de crier sur votre cheval par mégarde ou encore si vous avez avec lui une attitude de prédateur, nul doute qu’il perdra de sa confiance en vous et qu’il faudra le rassurer par la suite… Ce n’est pas un signe d’intelligence ça ? Un cheval maltraité par un homme mettra des années à retrouver la confiance en ce sexe mais n'aura pas cette crainte devant une femme (comportement vécu avec l'un de mes chevaux qui avait été maltraité par un homme avant d'arriver chez moi et qui a longtemps continué de se méfier du sexe masculin au point de ne pas s'en laisser approcher avant d'avoir retrouvé sa confiance).

Etre intelligent, ce n'est pas seulement savoir compter ou comprendre les théories de la physique. Savoir utiliser un outil ou mettre en place des stratégies.

Être intelligent, c'est aussi savoir lire les émotions des autres et comprendre leurs intentions. Concernant le cheval, la première chose à noter, c'est qu'il vit en groupe (c'est un animal grégaire). Les chevaux forment la plupart du temps des groupes familiaux. Les fameux "harems " dans lesquels on trouve un étalon, ses juments et de jeunes chevaux. Les mâles célibataires, eux aussi, vivent en groupes, en attendant de pouvoir constituer leur propre harem.

Au sein de ces groupes, les chevaux savent tisser des relations sociales complexes. Des relations à plusieurs niveaux. Un peu comme nos familles se rapprochent en communautés, puis en villes et en pays, par exemple, et tout en gardant une certaine indépendance. Les groupes de chevaux peuvent ainsi être amenés à se rapprocher pour former des troupeaux dans lesquels les groupes conservent tout de même leur unité. Ainsi, les plus grands harems occupent-ils une place centrale alors que les groupes de chevaux célibataires sont cantonnés à la périphérie. 

Mais ce n'est pas tout. Le cheval est également capable de ressentir des émotions et elles se lisent sur son visage. Les éthologues nous ont ainsi appris qu'une lèvre supérieure avancée peut par exemple exprimer une émotion très positive. Un œil grand ouvert laissant apparaître la sclérotique et des commissures des lèvres tirées laissant apparaître les dents peut marquer un inconfort. Les oreilles couchées en arrières nous signalent qu'il se sent en danger et risque de chercher à se défendre s'il ne peut pas fuir...

Le cheval sait aussi partager des émotions. C'est ce que les scientifiques appellent la contagion émotionnelle et ils l'ont observée chez des chevaux auxquels ils ont proposé de... visionner des films. Le premier montrant un soigneur en train de toiletter un cheval. Le second présentant un vétérinaire en train de prodiguer un soin désagréable à un autre cheval (comme de lui limer les dents). Non seulement les chevaux se sont montrés captivés par ces séances de cinéma. Mais ils ont en plus eu l'air de partager les émotions des chevaux à l'écran. Montrant des signes de plaisir et un rythme cardiaque apaisé face au premier film et des signes de stress et un rythme cardiaque accéléré face au second. Une preuve de ce que les chercheurs qualifient de capacité de représentation avancée pour cet animal qui semble très bien savoir interpréter ce qui se passe... sur un écran. Une belle preuve aussi de la sensibilité marquée du cheval aux émotions de ces congénères et donc de l'empathie.

Mais il sait également détecter nos émotions humaines. Adressez-vous à un cheval sur le ton de la colère et il y répondra spontanément par une émotion négative. Plus étonnant encore, adressez-vous à lui sur un ton joyeux tout en adoptant une expression faciale qui trahit la colère et il restera perplexe devant l'incongruité de la situation. Si vous avez un cheval qui vous connaît bien avec qui vous avez une relation de confiance et qu'il vous voit peiné, il viendra vers vous pour tenter de vous réconforter en vous frottant doucement de ses lèvres. Toujours dans un contexte de confiance, un cheval en difficulté viendra par exemple placer sa tête sous votre bras pour vous faire comprendre qu'il a besoin de votre aide. De quoi démontrer que le cheval se fait une représentation très précise de nos propres émotions et sait faire en sorte de nous transmettre les siennes. Un cheval qui vous a donné sa confiance vous suivra sans contrainte même si le lieu l'inquiète. Si vous y allez sans être vous-même stressé, il sait qu'il peut vous suivre.

Dans d'autres expériences, les chercheurs ont aussi démontré que le cheval sait reconnaître nos visages. Les différencier d'inconnus sur de simples photos. Il a même une bonne mémoire de ces visages puisqu'il reste capable d'identifier des personnes rencontrées il y a plusieurs années.

Mais alors, le cheval pourrait-il se révéler capable de prendre le point de vue d'une personne ? Une capacité extrêmement complexe. Longtemps réservée aux humains de plus de quatre ans. Peut-être à quelques grands singes, voire au chien. Mais les chercheurs estiment aujourd'hui que le cheval en est également capable.

Mettez un cheval en contact visuel avec deux personnes. Appelons-les Anne et Nathalie. Une troisième personne, Sylvie, vient cacher de la nourriture dans un seau, puis le ferme d'un couvercle. Le tout au vu et au su du cheval et de Anne mais en cachette de Nathalie. Et bien, figurez-vous que le cheval, s'apercevant qu'il ne peut pas ouvrir lui-même le seau, va spontanément demander de l’aide à... Anne qui a elle aussi vu la manoeuvre, ce qui est un signe de son intelligence. 

Alors ... Pas si bête, le cheval, même s'il nous accepte sur son dos !