La danse du Canard... hybridé
Canard hybridé issu du croisement d'une femelle Colvert et d'un mâle Duclair (probablement échappé d'un élevage).
Je supposais ce croisement, qui m'est confirmé par Nath (la championne de l'identification des oiseaux) dans son commentaire.
Le Canard Duclair est un canard originaire de Normandie qui porte le nom de la ville de Duclair. Le Canard Duclair est une race ancienne issue du croisement de canards sauvages et de canes des basses-cours. Ce canard connu aussi sous l'appellation de "barboteur de Normandie".
Préserver le capital génétique de nos espèces autochtones compte parmi les mesures prioritaires prises pour la biodiversité.
L’hybridation, naturelle ou orchestrée, menace l’intégrité de ce précieux patrimoine, et par conséquent la pérennité de la faune sauvage, dont celle de certains Canards. Si certaines hybridations sont sans conséquence, d’autres en revanche se révèlent extrêmement néfastes.
Les lâchers massifs d’oiseaux de tir ou de repeuplement, qui concernèrent un temps certaines espèces exogènes (perdrix, choukars, cailles japonaises…), ont ainsi favorisé des croisements peu souhaitables, voire indésirables.
Chaque année, plus de 3 millions de colverts sont élevés et lâchés en Europe (pour la chasse bien évidemment !), dont 1,4 million en France pour 100 000 couples nicheurs. Une telle pratique, entretenue depuis plus de trente ans, a incité l’OFB, en partenariat avec la Tour du Valat en Camargue et le CFE-CNRS, à étudier ses impacts sur la génétique des populations naturelles. Ceci afin de vérifier si nos colverts étaient encore génétiquement purs ou, à défaut, de déterminer leur taux d’hybridation.
Le cas du canard colvert : "Nous ne connaissions plus le génotype (patrimoine génétique) ni le phénotype (aspect extérieur) du colvert originel, et ne disposions donc d’aucune référence", se souvient Matthieu Guillemain, responsable des études "Anatidés" au CNERA Avifaune migratrice (OFB) de la Tour du Valat. Pour caractériser génétiquement les souches sauvages et déceler d’éventuelles hybridations, il fallait alors d’abord trouver des oiseaux témoins faisant office d’étalons.
Des recherches furent entreprises en ce sens dans des musées pour y dénicher des spécimens naturalisés avant les années 1970 et les premiers lâchers massifs effectués en France. 15 colverts répondant à ce cahier des charges furent identifiés, puis analysés, analyses comparées à celles réalisées sur 98 colverts issus de cinq souches actuelles d’élevages français comptant parmi les plus importants.
Sans appel, les résultats indiquèrent qu’en quarante ans, les oiseaux captifs provenant d’élevages avaient profondément divergé du point de vue génétique des oiseaux servant d’étalons. Pour mesurer plus finement l’incidence des lâchers sur l’hérédité de l’espèce, des analyses portèrent sur la provenance génétique de colverts échantillonnés durant l’hiver 2009-2010 sur différents sites camarguais.
Sur ceux bénéficiant d’introductions fréquentes, 76 % des colverts montraient un taux d’hybridation révélant qu’ils provenaient de souches élevées en captivité. A contrario, 79 % des canards échantillonnés dans la réserve des marais du Vigueirat - zone n’ayant jamais fait l’objet d’aucun repeuplement – présentaient un génotype proche des canards des musées, donc de la souche préalablement définie comme étant pure.
Notez qu’un résultat comparable (82 % de canards colverts jugés sauvages) a été relevé en milieu naturel, durant la saison de reproduction, en République tchèque.
S’il est désormais certain que les lâchers n’ont pas fait disparaître la souche sauvage du colvert en France, ne crions pas victoire pour autant. L’hybridation reste avérée, et menace l’intégrité génétique de l’espèce si ces pratiques se poursuivent au même rythme.
Avec des conséquences telles qu’un taux de mortalité plus élevé, estimé à 43 % en Camargue avant l’ouverture de la chasse sur un lot de colverts issus de lâchers, contre les 16 % habituellement observés chez des individus sauvages âgés de 3 à 7 semaines.
Les hybridations chez le gibier à plume par PASCAL DURANTEL
Les canards lâchés sont potentiellement moins résistants aux agents pathogènes, pour des raisons génétiques… Une plus faible variabilité génétique a été mise en évidence chez les oiseaux en captivité, ce qui est cohérent avec de petites populations isolées telles que celles des élevages. Cette perte de diversité génétique a également été constatée sur un gène impliqué dans la réponse immunitaire. Les canards d’élevage possèderaient donc vraisemblablement une moindre capacité à faire face aux nombreux agents pathogènes dans le milieu naturel et présentent des déficiences.
Du fait même des conditions de captivité, il existe des différences morphologiques entre oiseaux lâchés et individus sauvages. En effet, quoique la plupart des organes internes des canards colverts en captivité soient comparables à ceux des oiseaux sauvages, la taille du gésier et la condition corporelle (aptitude à faire des réserves de graisse) sont inférieures chez les oiseaux d’élevage. La taille inférieure des muscles du gésier des oiseaux d’élevage réduit alors leur capacité à digérer des aliments les plus durs consommés dans le milieu naturel, comme certaines graines entières et leur tégument.
La nourriture distribuée en élevage, à base d’aliments composés friables, explique sans doute cette différence.
Là encore, merci les chasseurs, entre les Canards qui s'hybrident, les Cochongliers ou les Sanglochons (croisement entre cochons et sangliers élevés et relâches dans la nature qui eux se reproduisent davantage)... S'ils disent aimer la nature, ils participent tout de même de manière assez grandiose à la dégradation de la faune sauvage.